Un procureur devenu député
Julien Vailles
2016-07-25 11:15:00
Droit-inc: Quel est votre rôle à l’Assemblée nationale?
Me Simon Jolin-Barrette: J'ai un rôle double : d'une part, je travaille sur les dossiers en matière de justice, et d'autre part, je me charge des questions en matière d'accès à l'information. Dans la vie de tous les jours, je dois donc critiquer les positions de la ministre de la Justice et proposer des améliorations aux projets de lois qui sont déposés à l'Assemblée nationale.
Par exemple, j'ai proposé l'abolition de la prescription de trente ans pour poursuivre en matière d'agressions sexuelles. Il y a également eu le Mouvement retrouvailles, en lien avec la modernisation du régime québécois d'adoption. Par ailleurs, j'ai été très critique de la ministre Vallée lors du débat sur l'union spirituelle et les conséquences civiles du mariage. Enfin, je cherche à ce que le Québec ait son mot à dire sur la nomination des juges à la Cour suprême du Canada.
Quels sont, selon vous, les grands enjeux juridiques au Québec en ce moment?
Sans contredit, le plus important est l'accès à la justice. Le système de justice québécois est malade. L'arrêt Jordan rendu récemment a mis le doigt sur le problème des délais en matière criminelle. Mais en civil? En fait, il faut un système qui soit réellement au service du citoyen et pour cette raison, il faut le vulgariser, car il est souvent trop complexe pour un non-juriste. C'est pourquoi j'ai demandé récemment la tenue d'états généraux à cet égard.
La réforme du droit de la famille, dans l'optique du rapport de Me Roy rendu il y a un an, est également préoccupante. Il n'y a pas eu de modernisation de ce droit au Québec depuis les années 1980!
Enfin, il y a toute la question de la justice administrative. C'est là que les citoyens ont le contact le plus courant avec la justice. Il y a deux problématiques à propos des tribunaux administratifs. D'abord, la sélection des décideurs. Neuf des treize tribunaux administratifs au Québec n'ont pas de critères de sélection! Ensuite, il y a la question du renouvellement du mandat des décideurs. Ceux-ci doivent pouvoir être faits de manière impartiale et un décideur administratif ne doit pas être nommé pour des motifs politiques, mais bien grâce à ses compétences.
Que pensez-vous de l’avenir de la pratique du droit au Québec?
Il s'agit d'un milieu en évolution. Je pense que l'avenir du droit est directement lié à l'accès à la justice pour le plus de citoyens possible et c'est par une modernisation du système que les avocats trouveront le plus leur compte.
Vous avez été avocat au service juridique de la Ville de Montréal. En quoi consistait votre rôle à ce titre?
J'œuvrais principalement en droit public. Je me chargeais des dossiers en matière d'injonctions, je donnais des opinions juridiques et je faisais aussi beaucoup de droit de l'urbanisme. Il y avait aussi des litiges concernant les règlements municipaux. Je devais alors défendre la position de la Ville de Montréal.
On sait que la métropole a un statut particulier : elle est régie par la Charte de la Ville de Montréal. Il faut donc en tenir compte en premier lieu, même si d'autres lois comptent également, comme la Loi sur les cités et villes et la Loi sur les compétences municipales.
Si vous ne faisiez pas de politique, que feriez-vous?
Il est difficile de le présumer! Serais-je encore à la Ville de Montréal? Je n'en suis pas sûr. Je pense bien que je travaillerais comme avocat en droit public.
Pouvez-vous revenir sur votre parcours académique?
J'ai étudié le droit à l’Université de Sherbrooke, puis j'ai fait un diplôme de deuxième cycle en common law et droit transnational à l’Université de Sherbrooke. J'ai terminé l’École du Barreau, puis j'ai complété ma maîtrise en droit à l’UdeS. Ensuite, j'ai fait un D.E.S.S. en administration publique à l'École nationale d'administration publique, une maîtrise en administration publique et une scolarité de doctorat en droit. Faire ma thèse de doctorat est pour l'instant sur la glace; c'est la politique qui occupe présentement mes journées!