La Société des plaideurs, en pleine crise, annule son gala

Radio Canada
2025-04-11 12:00:55
Le groupe juridique national a essuyé de nombreuses critiques pour avoir annulé le discours d'un éminent réfugié syrien…
La Société des plaideurs a annoncé jeudi qu'elle annulait son gala de fin de trimestre prévu pour le 5 juin à Toronto en raison de la controverse liée à l'annulation du discours de l'entrepreneur canadien d'origine syrienne Tareq Hadhad.
« Nos dirigeants ont été mis à l'épreuve dans l'application de nos valeurs fondamentales, et à ce moment-là, la Société des plaideurs a échoué », a déclaré l'organisation dans un communiqué publié jeudi.
« Nous nous excusons sincèrement auprès de tous nos membres qui se sont sentis exclus par les décisions que nous avons prises concernant le gala de fin de trimestre », a poursuivi l'organisation dans sa déclaration.
Plus tôt cette semaine, les futures présidente et vice-présidente de la Société des plaideurs ont remis leur démission.
La controverse a éclaté lorsque la Société a révoqué l'invitation faite à M. Hadhad, fondateur de Peace by Chocolate, qui devait prononcer le discours de clôture lors du gala.
Dans sa lettre de démission datée du samedi 5 avril, Mme Conlon a expliqué la raison de l'annulation initiale : « Presque immédiatement après avoir annoncé (Tareq) Hadhad comme conférencier principal le 10 mars, nous avons commencé à recevoir des messages de certains avocats juifs indiquant qu'il n'était pas un conférencier approprié en raison des publications qu'il a faites sur les médias sociaux concernant Gaza », a-t-elle écrit.
Dans sa déclaration publiée jeudi, la Société a reconnu que « leurs décisions sont particulièrement problématiques dans un contexte où le racisme anti-palestinien, antisémite et islamophobe est une réalité et où les impacts des conflits mondiaux sont ressentis intensément par (leurs) membres ici au Canada ».
En réaction à cette nouvelle, l'Association des avocats musulmans du Canada a déclaré que l'annulation de l'événement était une décision responsable.
« Cependant, il est difficile de féliciter la Société des plaideurs pour avoir simplement réparé une erreur qu'elle a elle-même commise. L'invitation n'aurait jamais dû être révoquée », a déclaré le président de l'Association, Husein Panju.
« Cet incident confirme également l'expérience de nos membres selon laquelle les communautés racisées continuent de faire face à des obstacles systémiques et à des doubles standards, particulièrement lorsqu'elles s'expriment sur des questions de justice sociale. Ceux qui défendent les vies palestiniennes, en particulier, sont réduits au silence d'une manière que d'autres ne le sont pas. »
Une deuxième démission de haut niveau
Sheila Gibb, trésorière de la Société des plaideurs depuis juin 2024 et qui devait occuper le poste de vice-présidente, a également démissionné du conseil exécutif et du conseil d'administration du groupe.
Dans une déclaration publiée en ligne mercredi, Mme Gibb a affirmé que l'annulation du discours de Tareq Hadhad au prochain événement de la Société en juin a causé de la douleur et des traumatismes à de nombreux membres de notre communauté.
« En tant qu'organisation dont la valeur fondamentale est d'être une société diverse et inclusive, il est de la responsabilité de la Société des plaideurs de créer des espaces où tous les membres se sentent accueillis et capables de partager leurs perspectives », a écrit Mme Gibb dans sa déclaration.
« Nous n'avons pas réussi à créer cet espace avec le gala de fin de trimestre cette année », a-t-elle ajouté. Sa démission est survenue quelques jours seulement après celle de Sheree Conlon, qui a déclaré dans une lettre obtenue par CBC que la Société avait abandonné ses valeurs en annulant l'invitation de M. Hadhad.
« Soumis à un standard différent », selon l'ex-trésorière
Dans sa déclaration, Mme Gibb a estimé que M. Hadhada été soumis à un standard auquel d'autres conférenciers n'ont pas été soumis, et a ajouté que cette décision a eu un effet dissuasif.
« À mon avis, il est nécessaire que la Société des plaideurs — et notre barreau — puisse accorder de l'espace à différentes perspectives et à des discussions difficiles », a déclaré Mme Gibb.
« Je considère cela comme fondamental pour les valeurs essentielles de la Société, et également crucial étant donné où nous nous trouvons dans le monde : avec une polarisation croissante, des occasions diminuées de discours civil sur des sujets difficiles, et les risques associés pour notre barreau, notre système de justice et notre démocratie — comme nous le voyons au sud de la frontière », a-t-elle expliqué.
Au départ, la Société des plaideurs a indiqué qu'elle avait annulé le discours de M. Hadhad après que certains membres ont exprimé des inquiétudes concernant sa position sur Gaza sur les médias sociaux, dans laquelle il a qualifié les actions d'Israël de génocide.
L'avocat Jonathan Lisus fait partie de ceux qui ont écrit à l'organisation pour signaler ce qu'il a décrit comme la vision unilatérale de M. Hadhad sur le conflit. Il a notamment souligné que M. Hadhad ne semblait pas avoir publié de messages en solidarité avec les victimes israéliennes de l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023 ni avec les otages pris ce jour-là.
« J'apprécie et je défends la distinction entre une critique de bonne foi d'Israël et de ses politiques, d'une part, et la malveillance envers le peuple juif, d'autre part », a déclaré Me Lisus dans une lettre datée du 15 mars.
« Malheureusement, le bilan des déclarations publiques de M. Hadhad met en lumière le fait que tout en exprimant une préoccupation compréhensible pour les morts de civils à Gaza, il est peu sympathique, et certainement indifférent, au mal et à la souffrance du peuple juif et de l'État juif », a-t-il poursuivi dans sa lettre.
Dans une déclaration publiée lundi, M. Hadhad a abordé ces allégations : Suggérer que je suis ‘peu sympathique’ ou ‘indifférent’' à la souffrance du peuple juif est à la fois inexact et profondément blessant, a-t-il affirmé.
« Je crois que pleurer la souffrance d'un groupe n'implique pas l'exclusion d'un autre. (...) Cela inclut les civils en Syrie, à Gaza, en Israël, en Ukraine et dans tous les coins du monde où des personnes sont prises dans le feu croisé de la violence », a-t-il ajouté dans sa déclaration.
Le 19 octobre 2023, dans la foulée des raids aériens israéliens sur Gaza et des attaques du Hamas quelques jours plus tôt, M. Hadhad avait écrit sur X pour demander que l'aide humanitaire soit autorisée à entrer dans l'enclave et que les combats prennent fin.
« Le gouvernement canadien doit non seulement appeler mais aussi faire pression pour instaurer un cessez-le-feu immédiat et pour sauver des vies civiles. Toutes les vies humaines ont un poids égal et la paix doit prévaloir », avait écrit M. Hadhad à ce moment-là.
Dans une autre publication sur X le 30 octobre 2023, il écrivait ceci : « Un enfant à Gaza est tué toutes les 15 minutes... Combien sont suffisants? Arrêtez les tueries. Arrêtez la guerre ».
Le 27 mai 2024, M. Hadhad a écrit ceci en référence aux enfants de Gaza : « Ce génocide doit être arrêté. Les enfants devraient se réveiller au son des oiseaux, pas au son des bombes ».
Plusieurs organisations, dont l'Association canadienne des libertés civiles, se sont opposées à la décision d’annuler le discours de M. Hadhad.
Un engagement à améliorer les politiques
Dans sa déclaration de jeudi, la Société des plaideurs s'est engagée à s'assurer que ses politiques et décisions protègent ses membres et son personnel. La Société doit être un environnement sûr, respectueux et accueillant pour tous. CBC a tenté de joindre M. Hadhad pour obtenir une réaction à l'annulation complète de l'événement, mais n'avait pas reçu de réponse au moment d'écrire ces lignes.
Dans sa déclaration publiée lundi, avant l'annonce de l'annulation de l'événement, M. Hadhad avait indiqué être ému par le soutien qu'il a reçu depuis l'annulation de son discours.