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Affaire Delisle : pas d’erreur judiciaire, conclut le rapport remis au ministre

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Radio-Canada Et Cbc

2024-03-15 10:15:37

Jacques Delisle au palais de justice de Québec le 14 mars 2024. Source: La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Le rapport ne fait état d'aucune erreur judiciaire dans le traitement de son dossier...

Le rapport remis au ministre fédéral de la Justice, qui a décidé d’ordonner un nouveau procès pour l’ex-juge Jacques Delisle, ne fait état d’aucune erreur judiciaire dans le traitement de son dossier, a constaté Enquête, qui a pu le décortiquer.

En 2021, David Lametti, qui était alors le ministre en titre, a ordonné la tenue d’un nouveau procès en se basant notamment sur ce document préparé par le Groupe de révision des condamnations criminelles du Canada (GRCC), un comité de juristes du ministère fédéral de la Justice.

Dans ce document, jusqu’à aujourd’hui frappé d’une ordonnance de non-publication, le GRCC critique sans détour la stratégie de défense de l’ancien juge. Il écrit même que Jacques Delisle a pris un risque énorme dans sa quête d’être complètement blanchi.

On y lit entre autres qu’il a menti, qu’il a manipulé la vérité pour l’utiliser comme stratégie, que ses explications soulèvent des problèmes de crédibilité et qu’il a pris un risque sérieux en ne témoignant pas lors de son procès.

Ce n’est qu’en 2015, après avoir épuisé tous ses recours d’appel, que Jacques Delisle a publiquement donné sa version des faits. En entrevue à l’émission Enquête, l’ancien juge fait des révélations surprenantes.

« J’ai chargé le pistolet [...], puis j'ai mis le pistolet sur la table en face de là où Nicole était assise », confie Jacques Delisle qui, au départ, avait affirmé aux policiers que sa femme s’était suicidée en son absence avec une arme prohibée, déjà chargée, qu’il avait laissée sur une table près de la porte d’entrée de leur condo.

Jacques Delisle avoue ainsi qu’il a menti aux policiers et à sa famille. Il admet qu’il a aidé sa femme à se suicider, mais il persiste et signe : « Il faut que vous sachiez : je n’ai pas tué Nicole. »

L’ancien juge clame toujours son innocence lors de cette entrevue. Il se dit victime d’une grave erreur judiciaire et, le jour même de la diffusion de cet entretien, il présente sa demande de révision au ministre de la Justice.

Pour appuyer sa demande, il s’appuie sur une déclaration dans laquelle il explique pourquoi il n’a pas dit la vérité auparavant ainsi que sur des opinions d’experts qui remettent en question le travail du pathologiste présenté par le procureur de la Couronne lors de son procès.

Pour Jacques Delisle, les nouvelles analyses et sa récente version des faits sont de nouvelles preuves qui auraient pu avoir un effet sur le procès en 2012.

Sauf que dans son rapport, le GRCC mentionne que l’ancien juge aurait pu livrer sa version des faits bien avant : en témoignant à son procès, devant la Cour d’appel ou à la Cour suprême. Mais il a décidé de ne pas le faire.

Pour le Groupe de révision, la nouvelle version des faits de Jacques Delisle n’est pas aussi convaincante et sa déclaration soulève des questions en matière de crédibilité.

Le GRCC souligne aussi que le moment où Jacques Delisle a choisi de révéler sa version des événements est également révélateur d'une « décision stratégique de sa part ».

Quant aux nouvelles opinions d’experts, le comité conclut, au terme d’une longue enquête, que malgré la destruction de certains éléments de preuve, plusieurs experts ont été capables de se prononcer en se basant sur ce qui était disponible au moment du procès.

Ces nouvelles opinions auraient-elles pu influer sur le verdict? Le Groupe de révision n’en est pas certain. Il laisse le soin au ministre de décider si elles auraient pu avoir un effet sur le verdict.

Finalement, le Groupe de révision rappelle que le ministère de la Justice n’est pas une cour d’appel et que les pouvoirs extraordinaires accordés au ministre doivent servir à réparer des erreurs judiciaires.

Et le fait de ne pas dire la vérité lors d'un procès « n’est pas une erreur du système de justice », écrit-on.

Vraisemblablement, David Lametti n’a pas vu les choses de la même façon.

Dans son communiqué émis en avril 2021, il a déclaré « qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite ». Il a précisé que sa décision « découle de la découverte de nouveaux renseignements qui n’étaient pas devant les tribunaux au moment du procès ».

C’est ainsi que huit ans après avoir été condamné à une peine de prison à vie pour le meurtre de sa femme, Jacques Delisle a été libéré en 2021 en attendant la suite des procédures.

Il a finalement plaidé coupable ce matin d’homicide involontaire.

Le second procès ordonné par l’ex-ministre Lametti n’aura pas lieu.

Il y a quelques semaines, en quittant la Chambre des communes, David Lametti a martelé le même message lorsqu’on l’a questionné à ce sujet : « Selon moi, selon ma lecture de la preuve et les nouveaux éléments de la preuve, il y avait la possibilité d’une erreur juridique », a-t-il répondu à l’occasion d’une entrevue qui faisait le bilan de sa carrière de député et de ministre.

Il a ajouté ceci : « C’est un pouvoir que le ministre de la Justice possède. »

Dans le système actuel, le ministre de la Justice du Canada n’a pas à expliquer ses décisions, et ce, peu importe les conclusions du GRCC.

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