Ils veulent humaniser le droit familial

Juristes, sociologues, médiateurs et intervenants s’unissent pour améliorer l’accompagnement des familles. Une association francophone en a fait sa mission!

Lorraine Filion n’est pas une avocate. Elle n’a pas non plus étudié en droit. Alors pourquoi nous intéresse-t-elle à Droit-inc ? Parce qu’elle a dirigé le service de médiation et d’expertise auprès de la Cour supérieure de Montréal pendant plus de 35 ans.

Mme Filion connaît donc intimement les arcanes juridiques en droit familial. « Oui, ce poste m’a amenée à faire beaucoup de rencontres, ainsi qu’à voyager et à effectuer des recherches pour améliorer nos services, notamment pour les familles séparées », indique-t-elle.

Mais la travailleuse sociale et médiatrice s’est au fil des ans également rendue compte d’un problème majeur récurrent : le manque de communication entre les juristes, les intervenants sur le terrain et les chercheurs dans le domaine familial.

« Chaque profession avait tendance à travailler en silo, explique-t-elle. Et même si les professionnels de la médiation avaient permis d’amener de nouvelles solutions en matière de séparation parentale, il n’existait aucune association favorisant des rapports interdisciplinaires, en langue française, entre tous les acteurs impliqués. »

Or, ces acteurs sont nombreux ! On pense bien sûr aux juges, aux avocats et aux notaires, mais il faut y greffer les psys, les médiateurs familiaux, les travailleurs sociaux, les experts auprès des tribunaux, le réseau associatif, les points rencontre, les chercheurs, les sociologues de la famille, etc.

C’est ce qui a poussé Mme Filion à créer, en 2003, l’Association internationale francophone des intervenants auprès des familles séparées (AIFI).

L’interdisciplinarité au service des familles

Sur le même modèle que l’initiative Family-Centered Care (FCC), avec des assises dans 66 pays, l’AIFI a pour objectif de mettre à profit des connaissances et des ressources de toutes sortes - cliniques, juridiques, sociologiques, familiales - dans le domaine de la séparation parentale.

L’association, coprésidée depuis 2013 par Lorraine Filion et Me Jean-Louis Renchon, avocat au Barreau de Bruxelles et professeur émérite dans deux universités belges, réunit autour de 150 membres actifs, dont une partie de juristes, au Québec, en France, en Suisse, en Belgique, au Luxembourg et au Liban.

Expériences, recherches, savoir-faire, savoir-être, questions, préoccupations, solutions ; tout est mis en commun pour mieux épauler les familles en transition.

« Et la langue française permet une vraie synergie de cultures et de pratiques entre les divers pays membres de l'Association », ajoute Mme Filion.

Activités collaboratives

Les membres de l’AIFI disposent de plusieurs moyens pour se réunir, se former et nourrir leurs expertises respectives.

Tout d’abord, un bulletin de liaison assez étoffé d’une cinquantaine de pages, recensant les nouvelles de chaque pays contributeur, leur est acheminé trois fois par an. Une veille scientifique avec des articles en français est également réalisée sur une base régulière, afin de connaître les résultats de recherches et d’études de terrain de partout menées sur les familles séparées.

« Nous donnons également des formations sur des sujets pertinents trois ou quatre fois chaque année, indique Mme Filion. La dernière d’entre elles portait par exemple sur un outil de dépistage de la violence conjugale développé par un sociologue. »

Ces éléments sont complétés, les années paires, par des séminaires. De plus, aux deux ans, un colloque est organisé dans un des pays contributeurs. L’AIFI est d’ailleurs en train de préparer le 13e à venir, qui aura lieu à Bordeaux au mois de juin 2026 et qui aura pour thème central : « Entre contraintes et libertés : quelle justice pour les familles? »

« Nous sommes en train d’en déterminer la programmation et de dénicher les pointures internationales qui y feront des présentations, explique Mme Filion. Ce sera un bel événement, pour les intéressés ! »