Changement de sexe : une femme congédiée obtient 5 000 $
Gabriel Poirier
2022-01-31 13:15:00
Le juge Jean-Pierre Gervais, de la Cour du Québec, a conclu par l’affirmative, en rejetant le témoignage des représentants de l’entreprise de Rouyn-Noranda. Il a accordé 5000 $ à la jeune femme de 27 ans dans une décision rendue le 16 novembre dernier.
« Ça m'a fait du bien de gagner, nous explique au téléphone la principale intéressée. L'histoire date de trois ans, l'audience a été reportée deux fois, à chaque fois le jour même. Ça jouait sur le stress. Maintenant, ça va bien. »
Mme Cossette et son ancien employeur se représentaient eux-mêmes. Mme Cossette précise toutefois avoir consulté l’avocat Éric Daoust, de Daoust Parayre, pour l’aider à préparer son dossier. Le litige s’est réglé à la Division des petites créances.
Les Entreprises B. Chouinard est une « petite » entreprise familiale qui se spécialise dans la vente de produits électroniques. Joint par courriel, l’un de ses représentants, Michel Gauthier, dit subir une « injustice ». « Le jugement rendu dont vous avez pris connaissance nous a laissé un profond dégoût », écrit-il.
Deux témoignages
Elizabeth Cassandra Cossette a travaillé chez Les Entreprises B. Chouinard pendant un un an et demi, de mai 2017 à octobre 2018. Elle a commencé à changer de sexe en 2016. Elle ne l’a pas annoncé à son employeur lors de son embauche.
Mme Cossette soutient que son congédiement succède à deux incidents, où son superviseur, Michel Gauthier, lui aurait reproché de porter du maquillage au travail. L’apparence de Mme Cossette ne correspondrait pas à « “l’image qu’il veut donner à la business” ».
Au terme de ce premier échange, Elizabeth Cassandra Cossette aurait imprimé des documents « glanés » sur le site de la CNESST concernant la discrimination fondée sur l’identité de genre avant de les déposer sur le bureau de son superviseur. Mme Cossette a perdu son emploi le 31 octobre, environ deux semaines après que son maquillage au travail ait été critiqué.
Berthier Chouinard, le président de l’entreprise à l’époque, soutient plutôt que l’équipe de direction nourrissait plusieurs griefs contre Mme Cossette. C’est la juxtaposition de « “plein de petites choses” » n’étant pas en lien avec son changement de sexe qui expliqueraient son congédiement.
« (...) il est arrivé qu’on la reprenne parce qu’elle fait des lectures ou des travaux personnels sur les heures de travail », indique par exemple son témoignage.
Prépondérance de la preuve
Le juge Gervais a rejeté le témoignage de l’employeur, même si la preuve soumise par Elizabeth Cassandra Cossette ne permet pas d'établir un « lien direct » entre son processus de changement de sexe et son congédiement.
Il a rappelé, dans un tel cas, que les circonstances sont déterminantes, ajoutant que « la concomitance de certains événements permet au Tribunal de présumer qu’il existe une relation de cause à effet entre ceux-ci. »
En d’autres mots ? Il est non seulement « plausible », mais aussi « probable » que Mme Cossette fut congédié à cause de son processus de changement de sexe.
« Conséquemment, même en l’absence d’une preuve directe que c’est effectivement en s’appuyant sur un motif discriminatoire qu’elle fut congédiée, la proximité dans le temps des événements relatés plus avant suffit pour permettre au Tribunal de conclure que madame Cossette s’est déchargée de son fardeau. »
À noter que la Cour a entendu le témoignage de l’employeur actuel de Mme Cossette, qui l’a décrit comme une « personne compétente » et « professionnelle ». Elizabeth Cassandra Cossette a travaillé pour ce dernier de 2014 à 2016, avant d’y retourner après son départ de Les Entreprises B. Chouinard.
« C’est important que les gens dénoncent, soutient Elizabeth Cassandra Cossette. Il ne faut pas se laisser faire. Quand ta cause est juste, il faut que tu parles, comme ça, ça peut aider les autres. »
Le juge Jean-Pierre Gervais a octroyé 5000 $ à Mme Cossette, soit 1000 $ à titre de dommages matériels, 3 500 $ à titre de dommages moraux et 500 $ à titre de dommages punitifs.
Entreprise dégouté
Joint par Droit-inc, Michel Gauthier explique par courriel que le jugement rendu « nous a laissé un profond dégoût ».
Il regrette que le magistrat ait rejeté le témoignage de quatre membres de l’entreprise, en plus de sentir qu’il n’a pas apprécié à sa juste valeur les documents que Les Entreprises B. Chouinard ont fourni au Tribunal.
Outre plusieurs griefs, énumérés longuement par courriel, M. Gautier soutient que la mise à pied de Mme Cossette était prévue depuis « plusieurs mois ». Il allègue aussi que l’entreprise n’aurait jamais été informé du processus de changement de sexe de son ancienne employée.
« La demanderesse n’a jamais fait part à personne de son changement d’identité, poursuit Michel Gauthier dans son courriel. Elle nous a surpris avec son maquillage très, très prononcé. Lors de son embauche, elle avait des cheveux courts. Ensuite, ils sont devenus très longs, avec de la couleur. Ensuite, elle a teint ses ongles en noir en plus de porter du maquillage pendant quelques mois. Nous n’avons rien dit, mais quand elle est arrivée avec un maquillage très, très prononcé, ça nous a surpris. C’est à ce moment que j’ai décidé de lui en parler. »
Pirlouit
il y a 2 ansBizarre de renverser le fardeau de preuve comme ça. J'imagine que la nouvelle idéologie du moment l'explique à défaut de le justifier.
Gram-mère
il y a 2 ans“Une femme congédié”
La faute... avec le sujet de l’article c’est encore pire