Dépénalisation des consommateurs de drogue : des experts jugent l'initiative insuffisante
Radio -Canada
2020-08-21 10:44:00
La directive suggère de recourir à des moyens autres que le système judiciaire pour traiter les dossiers de possession simple de drogue.
Un premier pas nécessaire
Les experts en dépendance et toxicomanie interrogés sur cette nouvelle saluent l'initiative, mais ils estiment qu'il reste encore beaucoup à faire pour aborder la dépendance comme une question de santé publique.
Me Caryma Sa'd est avocate-criminaliste à Toronto. Elle est également directrice de Norml Canada, un organisme qui fait pression pour faire changer les lois sur le cannabis au pays.
« La dépendance aux drogues, c’est une maladie. Alors quand on utilise le système pénal, c’est souvent un gaspillage de ressources et au lieu d'améliorer la situation (...) c’est pire », explique-t-elle.
Selon elle, cette directive est une avancée, mais elle souhaite que la loi soit modifiée, pour éliminer la part d’arbitraire.
... mais insuffisant
Traiter les dépendances aux drogues par le biais d’une approche judiciaire revient, selon elle, à enfermer le consommateur dans un cercle vicieux.
La peine de prison, le casier judiciaire, les difficultés à trouver un emploi ou un logement ont pour effet de marginaliser les toxicomanes, explique-t-elle.
« La réalité, c’est que dans la santé mentale et l’utilisation des drogues, il y a un chevauchement, alors on pénalise des personnes qui sont peut-être malades, affirme Me Sa’d. Et quand elles sont mises en prison, nous sommes en train de cacher les problèmes de pauvreté, de santé mentale, de dépendance à la drogue. »
Elle se prononce pour une décriminalisation de toutes les drogues, ce qui permettrait, dit-elle, de réglementer les fournisseurs de drogue, sur le même modèle que le cannabis.
Cette demande a par ailleurs été formulée en juillet par le premier ministre de la Colombie-Britannique, John Horgan.
Elle estime que la valorisation de l'approche pénale occulte des problèmes de santé mentale qui touchent des consommateurs.
Alexander Caudarella est expert en toxicomanie et professeur à l’Université de Toronto. Arrêter et emprisonner les toxicomanes est une occasion manquée, à son avis.
« Parce que ce sont les mêmes personnes qui sont arrêtées souvent par la police qui ne présentent pas à l’hôpital, qui ne se présentent pas en clinique », explique-t-il.
Il est également en faveur d'une dépénalisation de la possession de toutes les drogues.
Il estime également nécessaire de standardiser les procédures judiciaires entreprises à l’encontre d’un consommateur de drogue arrêté par la police. Selon lui, ces procédures diffèrent en effet d’une province à l’autre.
Selon lui, les systèmes de traitement, de santé et de justice ne communiquent pas et ne travaillent pas ensemble. La collaboration constitue une priorité, explique-t-il.