Diffamation sur les réseaux sociaux : une femme doit payer 100 000 $
Radio -Canada
2021-10-25 14:30:00
Ces dernières, deux sœurs, disent que la décision du juge est une consécration de leur réputation après une expérience traumatisante, où elles ont perdu leur emploi en plus de devoir composer avec des menaces envers elles-mêmes et d’autres membres de leur famille.
Leur avocat, Charles Daoust, a déclaré que cela a été une «longue année et traumatisante pour elles, mais elles sont heureuses maintenant de pouvoir défendre leur réputation.»
«Le message du tribunal est clair : les gens devraient vraiment être prudents avant de lancer des accusations très graves sur Internet, et surtout, avoir des preuves.»
Le juge a accepté la version des plaignantes et elle n’a pas été contestée par le défendeur.
Un long processus de 17 mois
Tout a commencé le 30 mai 2020. Shania Lavallee publie une vidéo sur Snapchat dans laquelle on voit sa sœur, Justine, plaquée au sol par le copain de Shania, Gilmour Driscoll-Maurice, qui tenait ses mains derrière elle, avec le genou sur son dos.
Quelques jours plus tard, Solit Isak aperçoit une capture d’écran de cette vidéo. Même si elle n’a jamais écouté ladite vidéo, elle est persuadée que les Lavallee se moquent de la mort de George Floyd, cet Afro-Américain mort dans une intervention policière à Minneapolis en mai 2020.
Mme Isak a par la suite publié une centaine de messages sur les réseaux sociaux accusant les femmes de se moquer de la mort de M. Floyd. Elle a aussi interpellé les employeurs des sœurs Lavallee en plus d’encourager d’autres internautes à partager des informations sur elles.
Shania Lavallee a rapidement présenté des excuses en ligne, disant qu'elle ne voulait pas manquer de respect (...) blesser ou offenser qui que ce soit, expliquant plutôt que son copain et soeur ne faisaient que s’amuser et se battre comme ils le font tout le temps. D’ailleurs, deux de leurs amis ont soumis une déclaration soutenant cette affirmation.
«Rétrospectivement, je peux voir comment la vidéo a pu être prise hors contexte étant donné la situation actuelle et je vois maintenant à quel point elle est insensible.»
Elle a admis qu’elle avait eu tort de ne pas tenir compte de la sensibilité du moment et qu’elle ne voulait pas faire quelconque lien avec George Floyd.
Les excuses n’ont pas pu freiner les conséquences dans les vies des deux frangines, qui ont perdu leur emploi respectif. Elles disent aussi avoir dû quitter leur maison pour fuir les menaces de mort et le vandalisme.
Le 5 juin, l'avocat des sœurs, Charles Daoust, a demandé à Mme Isak de retirer ses publications et de présenter des excuses en la menaçant de poursuites pour diffamation. Mais celle-ci a déposé une demande reconventionnelle à la fin du même mois.
La défense a l'intention de faire appel
L’avocat de la femme fautive, Cedric Nahum, a déclaré qu'il prévoyait de faire appel de la décision. Selon lui, cela soumet également sa cliente à une injonction permanente qui l'empêche de parler de l'affaire.
«Nous avons trouvé la décision assez décevante. Je pense qu'elle pourrait contribuer à museler la conversation sur les questions raciales.»
L’avocat a voulu mettre l’accent sur le contexte de la vidéo, puisqu’au même moment, le défi George Floyd, où les internautes répétaient la scène mortelle, commençait à être viral.
«Je ne pense pas que le juge ait été capable de se mettre dans la peau d’un jeune Noir dans les jours qui ont suivi le meurtre de George Floyd», a mentionné Cedric Nahum.
Sa cliente n’est pas tenue de présenter des excuses, mais une injonction permanente l’empêche de publier d’autres déclarations diffamatoires sur les sœurs Lavallee.
L’avocat déplore que sa cliente soit maintenant endettée de 100 000 $ au début de sa vie adulte, chose qui suscite chez lui des inquiétudes quant aux autres personnes qui pourraient chercher à s’élever et à dénoncer le racisme.
À cela, la professeure de droit de l’Université du Nouveau-Brunswick, Hilary Young, ne voit pas pourquoi cette décision aurait un effet dissuasif sur des personnes qui seraient tentées de dénoncer le racisme.
«Je pense que la loi est claire : s'il y a des raisons de conclure que quelqu'un est raciste, il existe des protections de commentaires équitables qui protègent votre droit d'exprimer cette opinion. Mais cela n'est pas illimité.»
Si vous portez atteinte à la réputation de quelqu'un, vos bonnes intentions ne sont pas suffisantes pour vous tirer d'affaires.
Vont-elles retrouver leur emploi?
Au printemps 2020, Shania a perdu son emploi dans un restaurant d’Orléans, le Boston Pizza, ainsi qu'une offre d'emploi d'enseignante au Conseil scolaire catholique d'Ottawa. Justine a quant à elle perdu son emploi à l'Agence des services frontaliers du Canada en plus de bousiller une étape de sa demande d'emploi à la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
Le juge a également déclaré que les tiers qui n'étaient pas directement impliqués dans l'affaire auraient dû faire preuve de plus de diligence pour examiner les preuves et la version de l'histoire des sœurs.
Dans un communiqué, l'Agence des services frontaliers du Canada a déclaré qu'en tant qu'organisme d'application de la loi, ses employés doivent être tenus de respecter les normes de conduite les plus élevées, y compris dans leurs activités quotidiennes. L'Agence a déclaré qu'elle n'avait aucune intention de revenir sur sa décision dans cette affaire.
La GRC a déclaré qu'elle ne pouvait pas faire de commentaires sur l'habilitation de sécurité d'une personne pour des raisons de protection de la vie privée, et que si une personne faisait une nouvelle demande, elle serait évaluée selon les normes du Conseil du Trésor.
Le Conseil scolaire catholique d'Ottawa a refusé de commenter la décision du juge. Boston Pizza n'a pas répondu à la demande de commentaires de CBC.
Anonyme
il y a 3 ans"Le juge a également déclaré que les tiers qui n'étaient pas directement impliqués dans l'affaire auraient dû faire preuve de plus de diligence pour examiner les preuves et la version de l'histoire des sœurs."
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Dans un communiqué, l'Agence des services frontaliers du Canada a déclaré qu'en tant qu'organisme d'application de la loi, ses employés doivent être tenus de respecter les normes de conduite les plus élevées, y compris dans leurs activités quotidiennes. L'Agence a déclaré qu'elle n'avait aucune intention de revenir sur sa décision dans cette affaire."