La peur de Trump profite aux avocats québécois !

Le cabinet d’avocats Morency vient de lancer un site web au nom évocateur « Move to Canada now » en réponse à l’intérêt croissant de ses clients américains pour une immigration en terre canadienne. Et c’est un succès!

En effet, le site compte 3700 visites uniques en seulement 8 jours, avec des mots clés comme « visa canada » ou « how to move to Canada », indique à Droit-inc Me William Gobeil, un avocat spécialisé en immigration et mobilité internationale de Morency.

« C’est énorme! Je n’ai jamais reçu autant d’appels de gens inquiets. Il y a énormément de travail ! C’est un gros défi pour les avocats en immigration », indique celui qui aide ses clients dans toutes leurs demandes de visa du Canada, mais également à trouver un emploi ou des entreprises qu’ils peuvent acquérir.

Droit-inc a discuté avec lui des répercussions de l’élection de Donald Trump sur les demandes d’immigration au Canada et le travail des avocats, ainsi que du décret très controversé sur l’immigration « US Executive Order on protecting the nation from foreign terrorist entry into the US » qui suspend l'entrée aux États-Unis de ressortissants de sept pays à majorité musulmane : l’Irak, l’Iran, le Yémen, la Libye, la Syrie, le Soudan et la Somalie.

Droit-inc : Pouvez-vous nous en dire plus sur cette initiative de la firme Morency ?

Me William Gobeil : Le secteur en immigration et en mobilité internationale est tout nouveau puisqu’il date de mai dernier avec mon arrivée au bureau. Nous avons remarqué qu’avec ce qui se passait aux États-Unis, nous avions des demandes venues d’une clientèle d’immigration américaine. D’ordinaire, notre clientèle est plus européenne et francophone. Les États-Unis ne sont pas un marché naturel pour le Canada. Nous voulions donc réagir très rapidement afin de pouvoir donner l’information à nos clients. On a vite créé le site, on a utilisé Google Adwords pour se faire voir. Depuis le 8 novembre, nous avons reçu énormément d’appels et de questions sérieuses. On avait déjà constaté une hausse depuis les primaires républicaines, mais là… les 10 derniers jours ont été achalandés!

Est-ce que vous constatez davantage de demandes d’individus originaires des sept pays concernés par le décret sur l’immigration?

Non, pas du tout. Il s’agit plutôt d’une immigration économique, d’affaires, des permis travail, d’études, des investisseurs, des entrepreneurs. Ce sont des Américains, des purs Américains, qui ont certaines inquiétudes sur ce qui se passe dans leur pays, et qui envisagent une immigration au Canada comme un plan B, ils se disent qu’ils pourront vivre ici, entre les deux pays.

Est-ce que certains hommes d’affaires, effrayés par le climat actuel des États-Unis, démontrent un intérêt à venir investir au Canada?

Oui, nous avons eu beaucoup de discussions dans ce sens-là. On parle de gens qui cherchent à faire affaire ici, que ce soit en terme d’acquisitions ou d’implantation. Les investisseurs savent que 800 000 $ sont nécessaires. Pour beaucoup de gens aisés, c’est une porte de sortie. Mais ça ne touche pas que les Américains! Il y a beaucoup d’inquiétudes chez notre clientèle européenne, et française aussi, très inquiète de la montée de l’extrême droite et de Le Pen (ndlr : les présidentielles en France sont prévues pour le mois d’avril).

Enfin, les gens sont en panique, suite à ce qu’ils peuvent lire sur des blogues. Par exemple, que le Canada va privilégier une immigration américaine et qu’il n’y aura plus de place pour les autres. Ce sont des fausses informations. Après, ils ont peut-être les lunettes roses ! Ils pensent que le Canada est le paradis sur Terre. Notre rôle aussi en tant qu’avocats est de les aviser sur la réalité canadienne.

Le président de l’Association du Barreau Canadien (ABC), René Basque, a indiqué que les Canadiens originaires des sept pays concernés par le décret pourraient rencontrer de grosses difficultés aux points d’entrées vers les États-Unis. Qu’en pensez-vous?

On constate beaucoup de crainte de la communauté musulmane. Les événements à Québec n’ont rien arrangé (ndlr : un homme de 27 ans a tué six personnes dans une mosquée). Personnellement, je ne recommande pas à mes clients de tenter de voyager aux États-Unis, même une fois sur le sol canadien. Mais je doute qu’un tel décret puisse tenir longtemps. En attendant, il faut être prudent.

Est-ce que le décret pourrait avoir des conséquences sur les accords et les politiques liant le Canada et les États-Unis, et notamment sur l’Entente sur les tiers pays sûrs qui visait à mieux gérer le mouvement des demandeurs d’asile à leur frontière commune?

On s’attend à tout en même temps… C’est certain que la renégociation de l’ALENA est un aspect majeur de la mobilité des Canadiens aux États-Unis, mais bon.. avec le temps qu’a mis l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l'Union européenne (UE), une réouverture des accords internationaux ne pourrait pas se faire de façon rapide. Pour être honnête, je dis à mes clients de ne pas s’inquiéter là-dessus. Au pire, on aurait le temps d’agir. Rien n’est entrepris. Lorsque Trump parle d’accords internationaux, il pense à beaucoup d’autres pays que le Canada.. Nous sommes un partenaire majeur. La mobilité bénéficie à l’économie des deux pays.