Pas de testament par courriel, tranche la Cour d’appel
Gabriel Poirier
2022-03-25 14:15:00
Pas selon la Cour d’appel du Québec, qui vient de confirmer une décision rendue le 1er novembre dernier par le juge Serge Gaudet, de la Cour supérieure.
Les juges Robert M. Mainville, Sophie Lavallée et Peter Kalichman ont rejeté l’appel de Daniella Damary, épouse, depuis 2013, du défunt Samy Bitton.
L’homme d’affaires, qui partageait son temps entre Israël et Québec, est décédé le 6 octobre 2020 des suites de la COVID-19. Le père de trois enfants, issus d’une précédente union, avait demandé par courriel à son notaire, Jacques Znaty, de préparer un nouveau testament alors qu’il était hospitalisé à Montréal, en mars 2020.
« J’espère que tu va(s) pouvoir me faire signer // Même si non ceci est ma signature », avait-il écrit à Me Znaty.
Samy Bitton n’a jamais eu l’occasion de signer son nouveau testament. Son état de santé s’est détérioré, l’empêchant de réécrire à son notaire avant de mourir. Précisons que son premier testament – celui que les tribunaux reconnaissent – a été signé en février 1989.
« Il ne fait aucun doute que les restrictions imposées en raison de la pandémie de COVID-19 créent des défis uniques en ce qui concerne les formalités à respecter pour qu'un testament soit considéré comme valide, explique le jugement en anglais. (...) (Il) semblerait que le juge (Gaudet) ait correctement appliqué la loi dans son état actuel, à une situation qui, bien que tragique, n'était pas tout à fait unique. »
Daniella Damary contestait le premier testament de son époux, estimant qu’il ne reflétait pas ses dernières volontés. M. Bitton lègue, dans la première version, tous ses biens à ses enfants tandis qu’il offre, dans la seconde, une partie de ceux-ci (10%) à son épouse et la majeure partie (40%) à ses dix-huit petits-enfants. Ses enfants se voyaient octroyer l’autre moitié de ses biens (50%).
Mme Damary aurait souhaité que le juge de première instance reconnaisse le second testament de son mari en vertu de l’article 714 du Code civil du Québec, lequel stipule qu’un testament « qui ne satisfait pas pleinement aux conditions » peut être reconnu s’il « s’il contient de façon certaine et non équivoque les dernières volontés du défunt ».
La Cour d’appel a confirmé que l’article ne s’appliquait pas, bien qu’elle reconnaît que les « les progrès de la technologie pourraient un jour obliger les tribunaux à reconsidérer les circonstances » dans lesquelles il peut être appliqué.
Daniella Damary était représentée par Alain Lancry et Fady Girgis, de Devine Schachter Polak, tandis que Dvir Bitton, le fils de Samy Bitton, était représenté par Robert Pancer, de Phillips Friedman Kotler.
Contactés par courriel, ils n’avaient pas répondu à notre demande d’entretien au moment d’écrire ces lignes.
M. Bitton était aussi représenté en première instance par Adam Eidelmann, de Eidelmann Law, sa propre étude.