Un ex-avocat radié 12 ans
Florence Tison
2020-07-20 14:15:00
M. Boulanger, qui n’a pas d’antécédents disciplinaires, était accusé par la syndique adjointe du Barreau Me Catherine Trinci Telmose :
- d’avoir utilisé à des fins autres que celles pour lesquelles elles lui avaient été remises des sommes totalisant 133 500 $;
- d’avoir signé un document attestant détenir en fidéicommis des sommes de 100 000 $ et de 150 000 $ sachant ou devant savoir que cette information était fausse;
- d’avoir fait défaut de déposer dans son compte en fidéicommis un montant de 16 500 $, s’appropriant ainsi illégalement un tel montant et d’avoir faussement laissé croire à un client que les sommes remises à titre de dépôt étaient toujours détenues dans son compte en fidéicommis.
L’ex-avocat a enregistré un plaidoyer de culpabilité et s’est trouvé coupable des 10 chefs de la plainte.
Il n’a pas présenté de défense ni d’argument, ni contesté les sanctions demandées par la syndique, qui lui ont été imposées par la décision du Conseil : une radiation temporaire de 10 ans, une radiation consécutive temporaire de deux ans, et une radiation de 15 jours à être purgée de façon concurrente à la première de 10 ans.
« Même si l’intimé a démissionné du tableau de l’Ordre et qu’il dise maintenant à la retraite, le Conseil considère que s’il devait revenir à la pratique, le risque de récidive serait toujours très présent », indique la décision.
M. Boulanger doit de plus rembourser, en subrogation aux droits des trois clients, un montant de 150 000 $ au Fonds d’indemnisation du Barreau du Québec, le tout avec la publication d’un avis de la décision à ses frais.
Détournement de près de 150 000 $
Dans le cadre de l’acquisition d’un immeuble à Montréal, un client fait appel à Yves Boulanger en mai 2018 pour qu’il détienne en fidéicommis le dépôt prévu à l’offre d’achat : 50 000 $ dans les 10 jours de l’acceptation de l’offre, et le même montant après le « Due diligence period ».
Un amendement du client à l’offre d’achat amène M. Boulanger à encaisser dans son compte en fidéicommis un chèque de 16 500 $, toujours à titre de dépôt.
Un deuxième client, partenaire d’affaires du premier, donne pour le dépôt un chèque de 33 500 $ à être déposé dans le compte en fidéicommis de l’ex-avocat.
Le 20 juin 2018, il ne reste plus rien de ces sommes dans le compte en fidéicommis.
Un autre amendement du premier client amène une somme additionnelle de 50 000 $ pour le dépôt, que l’ancien avocat doit détenir dans son compte en fidéicommis. M. Boulanger déclare détenir 100 000 $, dont il n’a en réalité aucun sou.
De septembre à novembre, M. Boulanger encaisse un à un dans son propre compte les chèques destinés au dépôt avant l’achat de l’immeuble de ses clients.
Un troisième client se rajoute aux deux premiers en tant que partenaire d’achat de l’immeuble, ce qui donne à M. Boulanger un autre chèque de 50 000 $. Il déclare détenir 150 000 $ dans son compte en fidéicommis, ce qui est faux.
L’achat de l’immeuble se fait finalement sans dépôt en janvier 2019. Les trois clients n’arrivent pas à se faire rembourser la somme par l’ex-avocat, et requièrent les services de l’avocat Me Julien Denis, du cabinet Astell Lachance Du Sablon De Sua.
« L’intimé n’a jamais remis ledit dépôt malgré ses engagements de le faire, souligne la décision. Il a invoqué diverses raisons pour expliquer le fait que le remboursement du dépôt était retardé. Il a seulement adressé au Barreau du Québec deux lettres datées des 3 et 20 juin 2019 dans lesquelles il affirme que ses clients seront remboursés, ce qu’il a toujours omis de faire. »
L’ex-avocat a prétexté être retenu dans un procès, que son compte de banque avait été gelé par son institution financière, puis des raisons techniques hors de son contrôle pour éviter le remboursement des 150 000$.
Les trois réclamations de 50 000 $ seront finalement remboursées par le Fonds d’indemnisation du Barreau du Québec.
Droit-inc a tenté de joindre M. Boulanger, mais son numéro de téléphone ne peut recevoir d’appel, explique un message enregistré.