Violence sexuelle et conjugale : un premier tribunal spécialisé voit le jour à Valleyfield
Radio -Canada
2022-03-28 13:30:00
Proposé dans le cadre du projet de loi 92 adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale en novembre 2021, ce nouveau type de tribunal est destiné à mieux répondre aux besoins et à la réalité des personnes victimes de violence sexuelle et de violence conjugale.
« Les statistiques démontrent malheureusement que de nombreuses personnes victimes de violence sexuelle ou de violence conjugale au Québec craignent de dénoncer ou portent très peu plainte à la police. Comme société on ne peut pas accepter cela », a déclaré le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, en conférence de presse en compagnie de sa collègue responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest.
« Le Québec devient la première juridiction dans le monde à déployer un tribunal spécialisé tant en matière de violence sexuelle qu’en matière de violence conjugale », selon Me Jolin-Barrette.
Pour faciliter les démarches judiciaires et les rendre moins intimidantes pour les victimes de violence sexuelle et conjugale, les tribunaux spécialisés en la matière intégreront plusieurs changements, à commencer par les espaces physiques qui leur seront consacrés, « en vue de les rendre plus sécuritaires et sécurisants pour la personne victime et lui permettre de circuler sans rencontrer la personne accusée ».
Une salle particulière sera également aménagée dans les palais de justice pour les victimes de violence sexuelle et conjugale. Ces dernières pourront aussi bénéficier de « dispositifs d’aide au témoignage », comme l’ajout de paravents et de salles de visioconférence qui leur éviteront d’être confrontées au regard et à la présence des personnes accusées.
Dans le cadre de ce projet pilote, les victimes pourront bénéficier d’une prise en charge par des intervenants spécialisés issus de divers organismes locaux qui les accompagneront avant, durant et après le processus judiciaire.
« La même procureure ou le même procureur suivra ainsi l'évolution du dossier pendant l'ensemble des procédures, tandis qu'une intervenante ou un intervenant du Centre d'aide aux victimes d'actes criminels (CAVAC) sera attitré à chaque personne victime de façon à l'accompagner tout au long de son parcours », promet le gouvernement Legault, qui affirme avoir consacré 950 millions de dollars depuis son élection pour lutter contre la violence conjugale, la violence sexuelle et les féminicides.
Une attention spéciale sera aussi apportée au personnel du système judiciaire qui œuvre dans ces dossiers.
« Une formation sera offerte à toute personne susceptible d’entrer en contact avec une personne victime au sein du tribunal spécialisé […] pour répondre et comprendre les réalités des personnes victimes et pour mieux répondre à leurs besoins », a précisé Simon Jolin-Barrette.
« Les personnes victimes doivent pouvoir se sentir en confiance et en sécurité tout au long de leur parcours et être accompagnées par des intervenantes et intervenants qui comprennent leurs besoins et réalités », ajoute le ministre de la Justice.
« Meilleures pratiques »
La mise en place de ce premier projet pilote au palais de justice de Salaberry-de-Valleyfield, qui traite en moyenne 1000 dossiers de violence conjugale et/ou sexuelle par année, sera suivie graduellement d’autres implantations du genre dans les palais de justice du Québec de façon à y développer les « meilleures pratiques ».
Outre Salaberry-de-Valleyfield, les palais de justice de Québec, de Granby, de Drummondville et de La Tuque ont été choisis pour accueillir ces projets pilotes.
La création de ces tribunaux nouveau genre découle de l’adoption du projet de loi 92 déposé par le gouvernement Legault le 10 septembre 2021 en réponse au rapport Rebâtir la confiance, déposé en décembre 2020 par le Comité d'experts sur l'accompagnement des personnes victimes d'agressions sexuelles et de violence conjugale.
La Loi visant la création d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 26 novembre 2021.
Malgré l’unanimité qu’ils ont suscitée chez les élus, ces tribunaux spécialisés ont soulevé et soulèvent encore des questions et des inquiétudes au sein du système judiciaire.
Dans un mémoire déposé en octobre 2021 devant la commission parlementaire chargée d’étudier le texte de loi, la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, a lancé une mise en garde au gouvernement.
La création de ces tribunaux spécialisés remet en cause, selon la magistrate, des principes fondamentaux, dont la présomption d'innocence et l'impartialité de la cour, soulignait-elle dans son mémoire de 16 pages.
La juge Rondeau, qui est aussi présidente du Conseil de la magistrature, ne s'est pas gênée pour exprimer publiquement ses critiques, mais elle aurait d’ailleurs souhaité être invitée devant les députés pour se faire entendre lors des consultations qui ont précédé l’adoption du projet de loi, ce qui n’aurait pas été fait à la demande du ministre Jolin-Barrette, affirmait à l'époque l’opposition.