Allègement fiscal pour les relèves d’entreprises familiales au Québec
Isabelle Gagnon
2023-02-08 11:15:00
En effet, les lois fiscales comportent des dispositions, souvent appelées règles anti-évitement, faisant en sorte de refuser le traitement fiscal avantageux réservé au gain en capital lorsque la transaction s’effectue entre des sociétés ayant un lien de dépendance.
Les demandes des entrepreneurs et de leurs conseillers fiscaux ont finalement été entendues et des allègements ont été adoptés en 2016 par le gouvernement du Québec et en 2021 par le gouvernement fédéral.
Nous présenterons donc ici les règles générales s’appliquant lors de transactions de relève familiale, ainsi que les opportunités créées par les allègements adoptés dans les dernières années.
Structure d’acquisition classique
Une majorité d'acquisition est réalisée en procédant avec la série d'étapes suivantes :
1) L’acquéreur constitue une nouvelle société («Acquisico») qui se portera acquéreur des actions de la société visée par la transaction («Société cible»);
2) L’acquéreur injecte sa mise de fonds dans Acquisico sous forme de capital-actions;
3) Un emprunt est également contracté par Acquisico afin d’obtenir les fonds nécessaires à l’acquisition des actions de la cible;
4) Acquisico procède à l’acquisition des actions de la cible;
5) Acquisico et Société cible sont fusionnées immédiatement après la clôture de la transaction, créant ainsi une nouvelle société («Fusionco»).
Ces étapes permettent au vendeur de réaliser un gain en capital, qui peut être exonéré en totalité ou en partie lorsque certains critères sont rencontrés. Elle permet également à l’acquéreur d’utiliser les profits futurs de Société cible, maintenant Fusionco, pour rembourser l’emprunt et à cette dernière de déduire les intérêts sur l’emprunt de son revenu imposable.
Règles anti-évitement visant les transactions de relèves familiales
Lorsque qu’un fondateur songe à transférer les actions de sa société à ses enfants, il souhaite évidemment pouvoir bénéficier du traitement fiscal avantageux réservé au gain en capital, soit la possibilité de d’utiliser l’exonération et l’application du taux d’imposition sur le gain en capital.
Si, pour ce faire, les enfants mettent en place la série d'étapes décrites plus haut, la règle anti-évitement fait en sorte de convertir le gain en capital, qui serait autrement réalisé par le vendeur, en dividende, cette conversion résultera en deux effets négatifs pour le vendeur :
- Puisqu’un dividende sera réalisé lors de la vente des actions à Acquisico, et non un gain en capital, le vendeur ne pourra bénéficier de l’exonération du gain en capital.
- Le taux d’imposition marginal supérieur d’un dividende est de 48,7 %, alors que le taux applicable au gain en capital est plutôt de 26,7 %.
- Le vendeur est un particulier;
- Le vendeur était actif dans la société au cours des 24 mois précédent la vente des actions;
- Le vendeur n’est pas actif dans la société après la vente, sauf pour permettre un transfert harmonieux;
- Le vendeur ne contrôle pas la société après la vente;
- Le vendeur ne détient pas, directement ou indirectement, d’actions participantes dans la société cible après la vente;
- La participation financière résiduelle du vendeur dans la société cible ou dans l’acquéreur ne peut pas excéder 60 % après la vente;
- Le particulier actionnaire de l’acquéreur doit prendre une part active dans l’exploitation de l’entreprise de la société cible.
- La société acheteuse est contrôlée par des enfants ou des petits enfants du vendeur qui sont âgés de 18 ans ou plus;
- Les actions du vendeur sont des «actions admissibles de petite entreprise», donc admissibles à l’exonération du gain en capital;
- L’acquéreur conserve les actions pour un minimum de 60 mois après la transaction.
Pour contrer ces règles extrêmement pénalisantes, deux choix s'offraient aux familles lors de transferts intergénérationnels :
Le vendeur devait renoncer à profiter de l’exonération du gain en capital et accepter de payer un impôt plus élevé lors de la disposition de ses actions, ou; Les acquéreurs devaient accepter de réaliser l’acquisition en leur nom personnel, donc sans la constitution d’Acquisico.
Les conséquences de ce compromis étant qu’ils devaient extraire les profits de Société cible, souvent sous forme de dividende, afin de rembourser l‘emprunt. Puisque les impôts sur un tel dividende peuvent s’élever à 48,7 %, les bénéfices requis afin de rembourser l’emprunt se devaient d’être beaucoup plus élevés pour permettre aux acquéreurs de rencontrer leurs obligations.
Bonne nouvelle, des allègements sont maintenant disponibles
Depuis le 17 mars 2016, Revenu Québec a annoncé que la règle anti-évitement ne s'appliquerait pas lors d'un transfert intergénérationnel si les sept conditions suivantes sont réunies :
Lorsque les conditions sont réunies, la portion du gain en capital qui est admissible à l’exonération du gain en capital ne sera pas visé par la règle anti-évitement. L’exonération de gain en capital sera donc disponible, mais l’excédent du gain total sur le gain exonéré sera tout de même considéré comme un dividende.
Le fédéral a également annoncé des allégements qui sont en vigueur depuis le 29 juin 2021. Il est disponible lorsque trois conditions sont réunies, soient :
Lorsque l’allègement est disponible, la totalité du gain en capital conserve sa nature et aucune portion n’est convertie en dividende pour le vendeur.
Bien que les allégements annoncés aient été accueillis comme un bonne nouvelle dans la communauté des affaires, il n’en demeure pas moins que les conditions à remplir pour pouvoir en bénéficier sont nombreuses et nécessitent la plupart du temps l’intervention d’un spécialiste en fiscalité pour y parvenir.
De plus, les différences importantes entre les critères et le traitement fiscal au fédéral et au provincial pourront donner des résultats très différents dans les déclarations de revenus fédérales et provinciales pour une même transaction. Il est donc fortement suggéré de consulter le spécialiste en fiscalité le plus tôt possible dans le processus de relève familiale.
Isabelle Gagnon est associée au sein du groupe BCF Avocats d’affaires.
Son expertise en fiscalité canadienne lui permet d’accompagner ses clients dans la croissance de leur organisation, qu’il s’agisse de PME, de grandes entreprises ou de startups les plus prometteuses.
Elle met en place des solutions innovantes et performantes pour les entreprises qu’elle assiste.