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L’assurance de biens à risques spécifiés : À vos risques et périls!

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William Plante-bischoff

2024-07-12 11:15:12

William Plante-Bischoff, l'auteur de cet article. Source : RSS
William Plante-Bischoff, l'auteur de cet article. Source : RSS
Focus sur une récente décision de la Cour supérieure en matière de droit des assurances…

Dans Lévesque c. Aviva Compagnie d’assurance générale, 2024 QCCS 1570, la Cour supérieure du Québec (la « Cour ») refuse la réclamation d’une assurée visant à indemniser la perte totale résultant de l’effondrement de son chalet.

Cette décision invite les assurés à la prudence lors de la souscription d’une police d’assurance de biens à risques spécifiés qui, bien que moins dispendieuse qu’une police « tous risques », ne s’applique qu’à ce qui y est expressément spécifié.

Les faits

Le 7 avril 2019, l’assurée Catherine Lévesque (« l’Assurée ») apprend par l’entremise de sa voisine que son chalet s’est effondré.

Dès le lendemain, elle rapporte la perte à son assureur, Aviva compagnie d’assurance générale (« Aviva »). L’assureur mandate l’expert en sinistre Martin Leblanc pour établir la cause du sinistre.

Le 14 mai 2019, l’Assurée reçoit une lettre de M. Leblanc, lui indiquant qu’Aviva refuse sa réclamation au motif que l’effondrement du chalet est dû au poids de la neige accumulée sur le toit, ce qui ne fait pas partie des risques couverts aux termes de sa police d’assurance habitation.

L’Assurée soutient au procès qu’elle s’est rendue sur les lieux du sinistre à la mi‑avril 2019 et qu’un immense arbre était tombé à côté du chalet, près de la remise adjacente (qui n’a pas été détruite). Pour sa part, M. Leblanc rapporte qu’il a mandaté la firme d’ingénierie Technorm Inc. (« Technorm ») pour déterminer la cause de l’effondrement.

Selon le rapport de Technorm déposé en preuve, l’effondrement du chalet serait dû à l’accumulation de neige et d’eau glacée sur la toiture. L’effondrement causé par le poids de la neige ne figure pas parmi les quatorze risques spécifiés à la police. Au procès, Aviva produit aussi Gaétan Dupuis de la firme Technorm comme témoin expert. M. Dupuis s’est rendu sur les lieux le 10 avril 2019 (avant l’Assurée).

À cette occasion, M. Dupuis a constaté une importante accumulation de neige d’environ 30 pouces sur le toit de la remise adjacente au chalet. De plus, les quatre versants du toit s’étaient affaissés vers l’intérieur, indiquant que l’effondrement était dû à une « charge gravitaire verticale » plutôt qu’horizontale, qui aurait pu être attribuable au vent plutôt qu’à la neige. Par le fait même, il n’y avait pas d’arbre ou de branche parmi les décombres, éliminant ainsi la thèse du vent. Dupuis rapporte aussi ne pas avoir vu « l’arbre immense » mentionné par l’Assurée au procès.

Il n’a pas non plus constaté de verglas, qui serait tombé durant la nuit suivant l’effondrement d’après les données météorologiques. Enfin, M. Dupuis estime que certaines parties du chalet affectées par la pourriture ont pu rendre le chalet plus fragile et contribuer à l’effondrement, mais l’analyse de cette hypothèse aurait requis un examen complémentaire.

L’analyse

La Cour souligne d’entrée de jeu que la police d’assurance habitation applicable au chalet n’est pas une police « tous risques », mais bien une police à risques spécifiés. La différence entre ces deux types de polices est importante. Dans le premier cas, la police « tous risques » s’applique à tous les sinistres, sauf ceux qui sont spécifiquement exclus.

Dans le second cas, la police à risques spécifiés ne couvre que les risques qui y sont spécifiquement énumérés. Comme l’indique la Cour, la prime associée à une police à risques spécifiés est moindre que celle reliée à une police « tous risques » compte tenu du fait que l’assuré assume lui-même un plus grand risque.

Conséquemment, la Cour doit se garder de transformer une police à risques spécifiés en une police « tous risques ». Quant au fardeau de la preuve, la Cour réfère à la décision St-Pierre c. Groupe Sinisco, 2022 QCCQ 5188. Dans cette décision, la Cour du Québec rapportait qu’en matière d’assurance « tous risques », l’assuré doit tout simplement prouver qu’un bien couvert par la police a été endommagé pour avoir droit, a priori, à une indemnité.

L’assureur a ensuite le fardeau d’établir qu’une exclusion trouve application s’il souhaite refuser d’indemniser.

En matière d’assurance à risques spécifiés, l’assuré doit non seulement prouver qu’un bien couvert par la police a été endommagé, mais aussi que la perte résulte d’un des risques énumérés.

En l’occurrence, les risques spécifiés à la police d’assurance habitation émise à l’Assurée pour son chalet comprennent entre autres les suivants :

  • Le choc d’objets qui percutent l’extérieur du bâtiment d’habitation ou ses dépendances
  • La grêle
  • Les tempêtes de vent

En fonction de la preuve produite au procès, notamment l’opinion et le témoignage de M. Dupuis, la Cour réfute une à une chacune de ces hypothèses. Relativement à la dégradation progressive du chalet en raison de la pourriture, la Cour souligne qu’il ne s’agit pas d’un risque spécifié dans la police.

En terminant, la Cour retient l’opinion de M. Dupuis selon laquelle l’effondrement du chalet est attribuable à une « charge gravitaire verticale », soit le poids de la neige et de la glace combiné à l’usure des matériaux de soutien.

Elle souligne qu’il appartenait à l’Assurée de prouver que l’effondrement par le poids de la neige faisait partie des risques couverts, ou que l’effondrement était le résultat d’un autre risque couvert.

Selon la Cour, l’Assurée ne s’est pas acquittée de ce fardeau. Elle conclut donc que l’effondrement du chalet n’a pas été causé par un risque couvert.

À retenir

Ce jugement contient une application claire du fardeau de la preuve en matière de police d’assurance à risques spécifiés.

En effet, pour obtenir une indemnité, l’assuré a le fardeau d’établir, selon la balance des probabilités, que la perte du bien couvert est dû à l’un des risques énumérés à la police. S’il n’y parvient pas, l’assureur est en droit de refuser d’indemniser. Il s’agit d’un fardeau de preuve plus onéreux qu’en matière d’assurance « tous risques », où l’assuré n’a qu’à établir qu’un bien couvert a été endommagé pour avoir droit, a priori, à une indemnité.

À propos de l’auteur

William Plante-Bischoff est avocat au sein du groupe droit des assurances chez RSS. Sa pratique porte principalement sur la couverture d’assurance.

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