Des juges influencés par la pensée Trudeau?
Marie-Ève Buisson
2024-04-30 15:00:44
Un récent ouvrage questionne le processus de nomination des juges au fédéral. Trudeauistes, les juges?
Un nouvel ouvrage révèle l'influence de la pensée politique trudeauiste sur le pouvoir judiciaire québécois et canadien.
Dans « La pensée des Trudeau, le Québec et le pouvoir judiciaire », publié par l'Institut de recherche sur le Québec (IRQ), des chercheurs ont tenté de démontrer que les juges nommés par le gouvernement de Justin Trudeau à la Cour d'appel du Québec et à la Cour suprême du Canada sont majoritairement enclins à rédiger des jugements conformes à la pensée politique du père et du fils Trudeau.
« Nous aurions pu choisir d’analyser les jugements de la Cour supérieure, mais malheureusement le temps nous manquait. Nous nous sommes donc concentrés sur les jugements de la Cour d’appel du Québec et la Cour suprême », mentionne le chercheur Guillaume Rousseau, professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke et directeur scientifique de l'IRQ.
Pour étayer leur recherche, Guillaume Rousseau et son collaborateur à la recherche Sébastien Bouthillier ont choisi 29 jugements rendus par des juges nommés par le gouvernement de Justin Trudeau en matière de droits linguistiques, d'autres droits individuels, de pouvoir constituant et de partage des compétences.
Les deux chercheurs ont choisi de prendre des jugements qui sont directement liés à la pensée des Trudeau. Par exemple, tout ce qui touche à la Charte de la loi française.
« On sait qu’historiquement les Trudeau n’étaient pas favorables à ce que le Québec ait une seule langue officielle. Ils sont plutôt opposés à la loi 101. Nous sommes donc allés chercher deux jugements qui portaient sur la Charte », clarifie Guillaume Rousseau.
Des résultats poignants
Sur les 29 jugements analysés, 58,6 % sont conformes à la pensée des Trudeau contre 27,6% qui sont non conformes.
Cette tendance est encore plus marquée lorsqu'il s'agit de droits individuels, les jugements étant alors à 70,6 % conformes à la pensée des Trudeau, comparativement à 17,6 % qui y sont non conformes et 11,8 % qui sont neutres.
« Pour moi c’est clair comme résultat de recherche. La tendance est tellement forte qu’il n’y a aucun débat à avoir », pointe Guillaume Rousseau.
Par contre en matière de compétence et de pouvoir constituant, c’est presque 50-50.
« Ici c’est intéressant parce que ça démontre qu’il y a une nuance. Les résultats de recherche ne sont pas tout blanc tout noir », ajoute-t-il.
Pour le chercheur, il n’y pas de tendance à la centralisation chez les juges. Il y a toutefois une tendance forte à l’interprétation large des droits individuels.
Indépendance
Pour les chercheurs, c’est le processus de nomination des juges qui semble problématique. Selon eux, une fois que le juge est nommé, il n’y a aucun doute qu’il est indépendant.
« Il n’y a aucune raison de croire qu’il y a de l'ingérence politique directe dans le rôle du juge. La distribution des causes n’est pas faite par le bureau du premier ministre. Elle est faite de manière indépendante par les juges », explique Guillaume Rousseau.
En amont, il y aurait donc une influence politique, une influence idéologique. Mais une fois que le juge est en place, il serait totalement indépendant.
« Les juges sont indépendants, mais il y a quand même eu un filtre avant. C’est ça la nuance », conclut-t-il.