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Pandémie : Une décision historique contre les assureurs

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Didier Bert

2024-07-15 15:00:35

Me Laurent Debrun et Me Anna Villani. Source : Spiegel Sohmer
Me Laurent Debrun et Me Anna Villani. Source : Spiegel Sohmer
La Cour supérieure accepte qu’un syndic de faillite représente temporairement les membres du groupe dans une action collective. Une première…

Des bars et restaurants parviendront-ils à se faire dédommager par leurs assureurs pour les pertes de revenus d’exploitation causées par l’application des mesures sanitaires durant la pandémie?

La juge Dominique Poulin de la Cour supérieure du Québec a ouvert la voie à une telle possibilité en autorisant la demande d'action collective déposée par le syndic de faillite du restaurant L’Académie Crescent.

La juge Dominique Poulin autorise l'action collective bien que les défendeurs contestent que le syndic de faillite puisse être désigné comme représentant du groupe. C’est que, depuis le dépôt de la demande d’autorisation, le restaurant L’Académie Crescent s’est placé sous le régime de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

L’Académie Crescent est représentée par le Groupe Serpone, en tant que syndic de faillite, dans sa demande d’action collective contre les compagnies d’assurance Aviva, Everest, La Souveraine, et HDI Global.

Or, une telle situation est sans précédent. « Le présent dossier soulève une question encore jamais examinée au Québec, soit celle de la capacité juridique d’un syndic de faillite à agir à titre de représentant des membres du Groupe, conformément au dernier des quatre critères à examiner pour trancher une demande d’autorisation », écrit la juge Poulin dans sa décision.

« C’est une première au Canada. La juge reconnaît de prime abord au syndic cette capacité d’agir », se félicite Me Laurent Debrun qui, avec Me Anna Villani, tous deux du cabinet Spiegel Sohmer, conseillent la demanderesse dans ce dossier.

Me Éric Azran et Me Juliette Regoli du cabinet Stikeman Elliott, qui représentent les compagnies Aviva, Everest et La Souveraine, de même que Me Vincent Rochette et Me Dominique Noël du cabinet Norton Rose Fulbright, qui représentent la compagnie HDI Global, n’ont pas souhaité commenter la décision de la Cour supérieure.

Un conflit d'intérêts potentiel entre le syndic et les membres du groupe

« Mais même si la juge reconnaît que rien ne s’oppose à ce qu'un syndic agisse comme représentant du groupe pour l’action collective, elle donne 90 jours au syndic pour trouver un remplaçant pour agir à sa place, car elle envisage qu'à long terme puisse survenir un conflit entre les intérêts du syndic et ceux des membres du groupe », explique Me Debrun.

C'est ce conflit d'intérêt possible qui a été mis de l'avant par les défenderesses pour contester la qualité du syndic dans la demande d’action collective.

Mes Éric Azran, Juliette Regoli, Vincent Rochette et Dominique Noël. Sources : Stikeman Elliott et Norton Rose Fulbright
Mes Éric Azran, Juliette Regoli, Vincent Rochette et Dominique Noël. Sources : Stikeman Elliott et Norton Rose Fulbright

« Le Tribunal est d’avis que le syndic a la qualité et la capacité pour représenter le Groupe à l’étape actuelle de l’action collective, soit la demande d’autorisation. Toutefois, puisque ses obligations envers les créanciers de la faillite pourraient le placer dans une situation conflictuelle à une étape ultérieure, le Tribunal lui accorde un délai de 90 jours pour trouver un nouveau représentant adéquat et demander d’être remplacé », poursuit le jugement. Le syndic de faillite de L’Académie Crescent pourra demeurer membre du groupe, mais ne pourra plus en être le représentant. C’est une autre entreprise exploitant un bar ou un restaurant qui devra être désignée.

Une particularité de ce dossier est que les assureurs pourraient être tenus de compenser des bars et restaurants pour l'interruption d'affaires due à la covid, alors qu’ils ont toujours exclu cette possibilité.

« Jusqu'à présent, toutes les actions collectives ont échoué quand la police d’assurance prévoyait qu'il fallait une atteinte aux lieux assurés pour ouvrir la porte à une couverture d'assurance. Les tribunaux ont décidé que la covid ne touche pas à l'intégrité des lieux physiques assurés », pointe Me Laurent Debrun.

L'avocat se montre bien plus optimiste pour cette action collective. « Dans notre dossier, la police d'assurance est écrite différemment. Selon nous, il n'y a pas besoin d'atteinte physique au lieu assuré, car l'accès au lieu est empêché en raison d’une maladie contagieuse qu'il faut rapporter par ordre du gouvernement », précise Me Debrun.

La Cour supérieure autorise l’action collective, en se fondant sur deux clauses de garantie incluses dans la formule Pertes d’exploitation - Pertes réelles. La première garantie offre une protection contre la perte de revenus d'exploitation subie lorsque l'accès aux locaux est interdit ou partiellement restreint par ordre des autorités civiles à la suite de l’éclosion d’une maladie contagieuse dans un rayon d’un kilomètre de ses locaux. La deuxième garantie protège l’assuré contre la perte de revenus d’exploitation découlant de l’éclosion d’une maladie contagieuse dans un rayon d’un kilomètre de ses locaux.

Le jugement va même plus loin, puisque la Cour supérieure décide d’inclure aussi parmi les membres du groupe les bars et restaurants « qui n’ont présenté aucune demande d’indemnisation ou qui n’ont pas avisé les défenderesses de leurs pertes ».

3006
1 commentaire
  1. Bien sur
    Bien sur
    il y a un mois
    Encore un juge qui se tappe un trip
    Cassé en appel 100% sûr.

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