« L’expert unique, j’y crois! »
Daphnée Hacker-B.
2015-04-30 14:15:00
Même si elle paraît jeune, Me Bélanger détient près de 15 ans d’expérience dans le métier. Après avoir fait des études en droit et en comptabilité, elle a travaillé chez KPMG, Ernst & Young, l’Autorité des marchés financiers, et plus récemment, chez Raymond Chabot.
Elle n’est peut-être pas identique à la vie de Sherlock Holmes, mais la carrière de Me Bélanger frôle souvent les scénarios de films de détectives : enquêtes sur des fraudes, détournements de fonds, litiges entre actionnaires, conflits familiaux. En plus de mandats d’évaluation d’entreprise et de quantifications de dommages, la juricomptable agit très souvent comme témoin expert, et plus récemment, à titre d’expert unique.
Le nouveau Code de procédure civile recommande le recours à un expert commun, sans toutefois l’obliger, rappelle Me Bélanger. La juricomptable croit fortement à cette option, qui a le potentiel de réduire les coûts liés à un procès, ainsi que sa durée. Mais l’effet peut aussi être inverse… « Chacune des parties risque d'engager son propre expert pour questionner la position de l'expert unique [..]… Je l’ai déjà vécu, on se retrouve avec encore plus d’experts ! Il n’y a clairement pas de diminution de coûts dans ce temps-là », admet-elle.
Six conseils-clés
À son avis, l’un des moyens d’éviter ces dérapages serait de clarifier la procédure de travail avec l’expert unique et son mandat. Avec son équipe, Me Bélanger a identifié plusieurs actions à poser avant le début d’un procès (voir encadré texte). « Nous avons donné des formations à ce sujet dans plusieurs cabinets d’avocats, on sent que la majorité des juristes veulent apprendre à composer avec ce qui deviendra de plus en plus la norme », dit-elle, ajoutant que certains demeurent très réfractaires au changement.
1. Définir clairement son mandat avec toutes les parties, pour éviter que la pertinence des travaux ne soit contestée.
2. Déterminer à l’avance comment les honoraires seront payés et prévoir des ajustements.
3. S’entendre sur le déroulement des discussions entre l’expert unique et les parties : le juge et/ou les autres parties doivent-ils être présents?
4. Identifier si la présence d’un sténographe est nécessaire lors des rencontres, et qui payera ses services.
5. Prévoir ce que l’expert doit faire si une partie refuse de répondre à ses questions.
6. Si l’expert veut embaucher un avocat, il faut déterminer à l’avance le processus de sélection de ce juriste et la façon dont il sera rémunéré.
La pression aussi forte
Est-ce que la pression d’être « parfaitement neutre, indépendant et objectif » est plus forte lorsqu’on agit comme expert unique ? « Pas du tout. Pour moi, la pression est aussi forte dans un cas comme dans l’autre » affirme sans détour Anne-Marie Bélanger. Même lorsqu’elle agit comme témoin expert d’une partie, la juricomptable doit parfois tenir tête à son client. « Il m’est déjà arrivé de refuser de rédiger une conclusion de la manière souhaitée par un client. C’est peut-être lui qui me paye, mais c’est pour le tribunal que je travaille », clame-t-elle.
Au bureau, elle s’acharne à le répéter aux jeunes juricomptables: « On aide le tribunal, un point c’est tout ». Oui, il arrive qu’une partie soit plus sympathique que l’autre, ou qu’une personne soit plus insistante pour arriver à ses fins, mais c’est là que l’expert « doit savoir se tenir debout », tranche-t-elle.