Conflit d’intérêt chez Dentons
Jean-Francois Parent
2016-11-17 09:30:00
Malgré l’existence d’une « muraille de Chine » déontologique entre les différentes lignes d’affaires d’un cabinet, il reste qu’un client d’affaires ne peut devenir un adversaire en cour. C’est ce que vient d’apprendre le bureau montréalais de Dentons, débouté récemment par la Cour d’appel.
En décembre dernier, le chef de la direction de Replicor, Michel Bazinet, noue une relation d’affaires avec le « Conseiller principal, Affaires », de Dentons. Le conseiller en question, l’ingénieur de formation Pierre Lortie, conseille les avocats de Dentons sur des questions commerciales et corporatives.
Ancien patron notamment de Bombardier Aéronautique et de la Bourse de Montréal, Pierre Lortie n’est pas avocat.
Le PDG Bazinet tente de recruter Pierre Lortie comme administrateur de Replicor, aux prises avec un conflit interne. Une rencontre a lieu aux bureaux de Dentons, juste avant les Fêtes 2015.
Puis, en janvier 2016, un ancien président du conseil de Replicor, Robert Jennings, mandate Dentons pour le représenter dans un litige l’opposant à… Michel Bazinet, celui-là même qui était devenu quelques semaines plus tôt client de Dentons.
Soumis aux mêmes standards que les avocats
C’est du moins l’interprétation retenue par le juge de première instance, à qui Michel Bazinet s’était adressé pour faire rayer Dentons de la liste des plaideurs.
Même s’il n’est pas avocat, il semble indiscutable au juge Stephen Hamilton, de la Cour supérieure, que Pierre Lortie contribue au développement de Dentons, recrutant des clients pour le cabinet. À cet égard, il est soumis aux mêmes standards que les avocats qu’il côtoie chaque jour, poursuit le juge.
Ainsi, pour Michel Bazinet, le risque que des informations confidentielles partagées par lui avec Pierre Lortie se retrouvent entre les mains des avocats qui plaideront contre lui est grand.
La cour lui donne raison et déclare Dentons inhabile à plaider contre Michel Bazinet, puisque Dentons ne peut représenter un client – Peter Jennings — dont les intérêts sont aux antipodes d’un autre de ses clients, en l’occurrence Michel Bazinet.
Même si Dentons a été de bonne foi dans cette affaire, ne sachant pas que Pierre Lortie s’apprêtait à recruter Michel Bazinet comme client avant d’accepter le mandat de le poursuivre, , l’honorable Stephen Hamilton estime néanmoins que le cabinet a failli à son devoir de loyauté. C’est cette décision que Dentons a portée en appel.
Dans un jugement rendu en cours d’instance, à l’unanimité, la Cour d’appel « fait siens les motifs pour lesquels le juge de première instance a jugé que, dans les circonstances de l’espèce, la déclaration d’inhabilité s’avérait nécessaire » et maintient donc la déclaration d’inhabilité de Dentons.