Il est sacré l'un des meilleurs plaideurs au monde
éric Martel
2019-08-06 15:00:00
C’est à Whitefish au Montana qu’il a intégré l’International Academy of Trial Lawyers, une institution réservée aux meilleurs plaideurs du monde.
Droit-inc a discuté avec l’associé qui « espère que sa pratique ne changera pas », en dépit de cet honneur.
Cet honneur signifie que l’on vous considère comme l’un des meilleurs plaideurs au monde. Qu’est-ce que cela vous fait?
Je suis surpris! C’est un organisme impressionnant, dans lequel ne font partie qu’une quarantaine de Canadiens. Parmi ceux-ci, il y a Jean Saint-Onge, Bernard Amyot et Jeff Leon.
Je me suis dit : « wow, je fais partie de ce groupe-là. » j’étais fier, surpris et reconnaissant. À 53 ans, je sens que je suis où je veux être professionnellement, en termes de qualité de plaideur.
Comment était votre expérience à l’International Academy of Trial Lawyers?
Au départ, c'était un peu intimidant! Il y avait tous les plus grands plaideurs du monde, la crème de la crème. Des gens autant en demande qu’en défense, du milieu civil et criminel. Je me sentais vraiment privilégié.
Dans ce contexte, ressentiez-vous le symptôme de l’imposteur?
Pas vraiment, parce que les gens étaient très accueillants. Ce n’est pas un endroit où l’on se vante de nos succès. En fait, il y a une règle non écrite selon laquelle il ne faut pas parler de ses dossiers.
Tout le monde qui y assiste a fait ses preuves, alors pourquoi parler de nos histoires de guerre? Vaut mieux discuter de notre passion, de notre pratique de façon générale.
Dès mon arrivée, les gens m’ont dit de me sentir à ma place. Que c’était un processus rigoureux, et que si je n'aurais pas été admis si je ne le méritais pas.
Parlant de processus, comment rejoint-on l’International academy of Trial Lawyers?
Il faut recevoir une invitation, à la suite de l’invitation d’un autre membre de l’académie. Dans mon cas, ce fut Jean Saint-Onge qui m’a invité. Je l’ai su très tard!
Il fallait soumettre l’ensemble des décisions auxquelles j’ai fait partie depuis l’ensemble de ma carrière. Puis, mes anciens adversaires et des juges devant qui j’ai plaidé ont été contactés.
Alors, vos adversaires et les juges, comment vous décriraient-ils en tant que plaideur?
Je crois qu’ils diraient que je suis un adversaire redoutable, mais toujours très juste.
Juste et professionnel.
Donc, c’est comme ça que vous vous percevez?
Je fais toujours ce qu’il y a de mieux pour le client, et pour cela, le secret est la préparation.
Dès mes débuts, je me suis senti à l’aise devant les tribunaux. Je n’étais pas nerveux. Je n’avais pas la langue dans ma poche. J’ai toujours été professionnel, très courtois devant mes confrères, tout en tirant profit de tous les avantages possibles pour mes clients.
Comment êtes-vous devenu un excellent plaideur?
Lorsque j’ai fait mon stage du Barreau chez Davies, je faisais du droit transactionnel. Par contre, peu de stagiaires voulaient aller à la cour, alors je me portais volontaire.
Je réalisais alors que j’étais un plaideur naturel, que j’aimais cela. Ensuite, j’ai pratiqué neuf ans dans un cabinet boutique, en litige bancaire. J’allais à la cour deux à trois fois par semaine, ce qui m’a permis d’amasser énormément expérience.
Le livre Outliers: The Story of Success explique que les Beatles, ou Steve Jobs ont accumulé 10 000 heures d’expérience dans leur domaine avant les autres. Moi, je les ai accumulés rapidement, en allant à la cour d’appel et à la cour supérieure dès mes débuts. Ça m’a donné un grand avantage.
Avec le recul, quelles sont vos meilleures plaidoiries?
L’une des plus importantes était probablement l’affaire de Réjean Hinse, victime d’une erreur judiciaire. C’est un dossier dans lequel je travaillais avec l’associé Guy Pratte, avec qui je partageais les plaidoiries.
Juste avant sa partie, au moment de la pause, il a reçu des nouvelles personnelles importantes, qui le forçaient à quitter. J’ai donc dû prendre la relève.
Lorsque je suis revenu en salle d’audience pour faire sa partie, la juge m’a lancé : « je vois que votre collègue a une énorme confiance en vous. J’espère que vous pourrez répondre à mes questions. » Effectivement, nous avons gagné de manière éclatante,
Sinon, dans un dossier bancaire d’action sur cautionnement, j’avais bien préparé ma plaidoirie, mais le procès a pris une tournure inattendue. Lors de la pause du dîner, alors que je repassais la preuve avec mon client, j’ai réalisé que tout était plus simple que prévu.
J’ai réécrit ma plaidoirie sur le dos d’une serviette de table, que j’ai glissé dans un cartable. Le juge ne voyait pas que mes notes étaient prises sur une serviette… ce fut un beau succès!
Mais avec votre grande expérience, vous avez certainement connu l’échec, n’est-ce pas?
Des fois, oui. L’important quand on se trompe, c’est de le reconnaître.
Des fois, les avocats ont tendance à maintenir leur position. C’est plus facile d’emprunter une nouvelle position que de maintenir son erreur.
Je l’ai vécu récemment dans un dossier, où la position des procureurs était vraiment mal fondée. À la place de concéder, ils ont maintenu une position erronée. Ça a affecté leur crédibilité.
Je l’ai appris en début de carrière: si tu as quatre arguments, dont trois bons et un moyen, laisse tomber le dernier. Mets toute l’emphase sur les autres!
Quels autres conseils donneriez-vous à un jeune plaideur qui souhaite suivre votre parcours?
De ne pas avoir peur de s’exprimer. D’utiliser sa grande voix devant le tribunal. D’essayer de prendre la parole en premier, en offrant un court résumé des arguments qu’on énoncera.
À mes yeux, parler avant son adversaire peut aider à faire une bonne impression. Si tu as une chance de faire bonne impression avant ton adversaire, pourquoi la laisser filer?
La plaidoirie, c’est l’art de convaincre, alors il faut tirer avantage de toutes les ressources à sa portée.