De cancre à bientôt avocat!
Mathieu Galarneau
2019-08-13 15:00:00
Attablé au resto, William McCann raconte à Droit-inc, entre deux bouchées, son parcours long et difficile avant de pouvoir mettre la main sur son diplôme en droit de l’UQAM cet été, à l’âge de 29 ans.
« Mon histoire, c'est l'histoire de beaucoup de jeunes comme moi qui viennent de milieux défavorisés », dit-il.
Sa détermination à atteindre son objectif coûte que coûte l’a guidé au travers de 12 longues années d’études postsecondaires. « J'ai toujours voulu faire mon droit. Depuis que je suis jeune, on me dit que j'ai une aisance à communiquer. J'ai envie d'aider du monde, quel qu'il soit. C'est ce qui m'a poussé à aller dans cette direction-là. »
Que s’est-il passé pour que l’objectif prenne autant de temps à atteindre?
Trois ans de cégep, zéro diplôme
Après le secondaire, William s’inscrit en 2007 au cégep en sciences humaines « comme tout le monde ». Malgré son objectif de devenir avocat, il perd sa motivation. Il en sort trois ans plus tard avec une cote R de 19,86, mais sans diplôme.
« Au secondaire, j'allais à l'école et j'étais assidu à mes cours parce que c'était une obligation. Au cégep, j'étais encore dans ce mode. Ce n'était pas pour moi d’aller à l'école. »
Son dossier académique est un tel désastre qu’une conseillère en orientation lui suggère de se diriger vers un diplôme d’études professionnelles ou une technique pour mieux affronter le marché du travail.
Un nouveau souffle
C’est mal connaître la détermination de William. Il choisit plutôt de s’inscrire en tant qu’étudiant libre à l’UQAM, pour ensuite se diriger vers le baccalauréat en science politique. C’est à ce moment que ses notes ont commencé à augmenter.
« J'ai toujours été passionné de politique. Je suis en droit, mais mon vrai crédo et ma vraie force, c'est la politique. Tu veux parler de politique, nomme-moi le sujet, je suis là! » raconte-t-il, le feu dans les yeux.
Il se permet par la même occasion de critiquer le parcours aux études de l’avocat typique. « Le bac en droit, t’apprends des règles et tu les appliques. Le sens critique que la science politique éveille dans ton esprit, je ne l'ai jamais ressenti en droit. »
Il essuie entre temps trois refus en droit. Puis, avec une majeure en science politique en poche et une sortie de bac, il est accepté en 2015. Enfin, le premier objectif est atteint. « Je me suis toujours dit "si ce n'est pas le droit, ça va être quoi?" Et je n'ai jamais su ce serait quoi. Si je ne réussis pas, je n'ai rien. »
Les études… et le travail
Pourquoi est-ce que ça a pris cinq ans de science politique et pratiquement quatre ans de droit pour arriver au final avec un baccalauréat et une majeure? William l’avoue candidement: il a fait des erreurs.
« Mon plus gros regret, c'est d'avoir travaillé 30 heures par semaine pendant mes études pour ne pas avoir de dettes. J'aurais dû sacrifier mon niveau de vie quelques années, me concentrer à 100% sur mes études, et ne pas avoir à vivre le stress d'être performant à l'école et au travail à la fois. Au bout du compte, j'ai quand même eu des dettes! »
Le Barreau et la suite
Rien n’est toutefois gagné pour William. Il a débuté lundi l’école du Barreau et reconnaît la difficulté que consiste ce passage obligé. « Je ne peux pas dire à 100 % que je vais le réussir. Certains des meilleurs étudiants en droit échouent là. »
Pour la suite, William espère faire sa place en droit criminel. C’est le documentaire « When they see us » sur Netflix, qui relate l'histoire de cinq Noirs et latinos arrêtés injustement pour le viol d'une femme blanche, qui l’a éveillé à cette pratique.
« Ça a réveillé quelque chose en moi: je suis là pour aider des gens individuellement. J'ai envie que quelqu'un m'appelle et me dise: "William, j'ai tel problème, qu'est-ce que tu peux faire pour moi? J'ai pas trop d'argent..." C’est ça ma raison de vivre. »
Quelques conseils en vrac
William espère que son histoire pourra aider d’autres étudiants à rester accrochés aux études. Voici quelques conseils qu’il livre pour garder son objectif de réussite en tête et l’atteindre.
Avoir confiance en soi: « Il y a juste toi qui sait ce que tu es capable de faire. Il ne faut pas laisser le monde t'encrer à leur réalité. »
Ne pas se poser en victime: « Il n'y a pas d'arbitre dans la vie pour dire "ça c'est juste, ça ce n'est pas juste". Il faut continuer de l'avant. »
Les notes, ce n’est pas tout: « Durant mon bac, j'avais beaucoup de pression par rapport aux notes. J'étais entré dans l’état d’esprit typique de l'étudiant en droit où je pensais que les notes validaient qui j'étais, mon travail, mon intelligence. Mais je pense qu'avec les bonnes expériences de travail que j'aies, mon ensemble de compétences acquis durant ces années-là, ça me valide beaucoup plus que les notes.»
La course aux stages, c’est « toxique »: « Les gens en perdent la tête! Si je ne peux pas avoir un bon emploi dès le début, so be it. Je sais qu'aujourd'hui, j'ai tout ce qu'il me faut pour me rendre où je veux aller. »
S’impliquer ailleurs pour se garder motivé: « Mon implication dans l'Association des étudiants noirs en droit de l'UQAM m'a beaucoup motivé. Si je m'arrête là, je ne pourrais jamais me rendre au bout de l'engagement que je m'étais donné au travers l'association étudiante. »