Embaucher un avocat français ?
Natacha Mignon
2013-05-22 13:15:00
Parmi les professions concernées, la profession d’avocat, qui s’est de surcroît engagée à signer rapidement un arrangement en vue de la reconnaissance mutuelle des qualifications (ARM). La date butoir a été arrêtée au 31 décembre 2009.
Pari tenu. Dans un délai record, le barreau du Québec et le Conseil national des barreaux français, après avoir scrupuleusement analysé et constaté la qualité réciproque de la formation dans les deux pays, ont arrêté les modalités d’un accord.
Du point de vue québécois, pour qu’un avocat français puisse s’inscrire au tableau de l’Ordre des avocats du Québec, il devra simplement justifier de sa qualité d’avocat en France, être membre en règle d’un barreau français et réussir un contrôle de connaissance portant sur la règlementation et la déontologie.
Ce projet devrait être officialisé lors du congrès annuel du barreau, à la fin du mois de mai. Restera ensuite à passer un règlement pour la mise en œuvre effective de l’accord.
Ainsi, dès le début d’année 2010, les premiers avocats français intéressés pourraient prêter serment au Québec, et réciproquement, les barreaux français ayant pris des dispositions similaires pour les avocats québécois faisant la démarche inverse.
Les barreaux ont donc joué le jeu de l’entente politique du 17 octobre 2008 et voulu réaffirmer la force des liens entre le Québec et la France, autant qu’offrir à leurs membres des perspectives de mobilité professionnelle peu courantes dans la profession.
Il faut se réjouir d’une telle ouverture des barreaux français et québécois, face à une matière « le droit » qui, par nature, s’exporte mal.
Il faut du courage
Les cabinets d’avocats feront-ils preuve de la même ouverture ?
Il demeure des obstacles qu’un avocat français ne manque pas de rencontrer sur le marché québécois.
Je peux en témoigner. Arrivée récemment de France, un bon CV en poche et l’Entente du 17 octobre 2008 en tête, je pensais intégrer très vite un cabinet d’avocats au Québec. Je me trompais.
Les cabinets craignent la méconnaissance de l’avocat français en droit local. Ils ne connaissent pas la qualité de ses études, pas plus que la réputation des cabinets dans lesquels il a exercé.
Ces craintes, partagées par la profession au Québec comme en France, pourraient mettre en échec l’Entente du 17 octobre 2008.
Quels sont alors les arguments pouvant rassurer et convaincre les cabinets ?
A l’évidence, ressortent les langues communes, le français et l’anglais parlé dans le monde professionnel, et la tradition civiliste partagée dans les deux pays.
Mais fondamentalement, le barreau du Québec s’est assuré de la qualité des études de droit en France. C’est au regard de cette qualité de formation universitaire réciproque que l’accord inter-barreaux a pu aboutir. Les ordres professionnels ont également pris en considération la force de la pratique, la dimension dynamique du droit et l’importance de la formation continue. Autant d’aspects, qui expliquent que les avocats d’une communauté puissent provenir d’horizons variés.
Enfin techniquement, les références et la réputation des cabinets se vérifient tout aussi facilement localement qu’outre Atlantique.
Les cabinets sautant le pas disposeront d’avocats qualifiés dans deux systèmes et expérimentés en France. Les avocats français pourront apporter leur connaissance des marchés européens, autant qu’ouvrir ces marchés aux cabinets leur ayant fait confiance.
La confrontation des deux pratiques aboutira nécessairement à trouver des solutions juridiques riches et innovantes pour les clients. La défense des intérêts du client est encore une valeur partagée par les avocats au Québec et en France.
Néanmoins, il y a un pas à franchir. C’est une certitude : le principe de l’Entente ne fonctionnera pas sans l’implication des cabinets québécois et français, et sans leur volonté de parier sur les bénéfices qu’apportera ce partage de culture et de compétence.
Natacha Mignon a exercé la profession d’avocat en France au sein des barreaux de Paris et Lyon