Un organisme s'adresse aux tribunaux pour exempter les itinérants du couvre-feu
Radio -Canada
2021-01-26 10:36:00
La Cour supérieure doit entendre la demande de sursis ce lundi.
La Clinique juridique itinérante (CJI) juge que le couvre-feu est « constitutionnellement invalide et sans effet » puisqu’il viole les droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés en étant appliqué aux personnes en situation d'itinérance.
« Pour certaines de ces personnes, respecter le couvre-feu ne peut se faire sans qu'elles en subissent de graves préjudices alors que d’autres sont simplement dans l'impossibilité de s'y conformer », dénonce Me Bruce Johnston dans sa requête.
Il ajoute que le maintien du couvre-feu à leur encontre est « inutile, arbitraire, disproportionné et cruel ».
«[Le couvre-feu] cause des préjudices graves et irréparables qui ne sont pas justifiables dans le cadre d'une société libre et démocratique », affirme Me Johnston.
En vertu du décret 2-2021, toute personne qui circule sur la voie publique entre 20 h et 5 h, à l'heure du couvre-feu, s'expose à une amende allant de 1000 $ à 6000 $.
L'organisme souligne que le gouvernement a déjà prévu des exemptions au décret, notamment pour les personnes qui promènent leur chien et celles qui doivent obtenir des soins de santé.
Plus tôt cette semaine, le gouvernement du Québec a fait savoir qu'il ne comptait pas exempter les itinérants de l'interdiction de circuler après 20 h. La question a été largement débattue au cours des derniers jours après la mort tragique de Raphaël André, un sans-abri autochtone qui avait trouvé refuge dans une toilette chimique dans la nuit de samedi à dimanche.
Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a affirmé qu’une telle exception « amènerait une complexité quant à l’application du couvre-feu ». François Legault a ajouté, en conférence de presse mardi, que « n’importe qui pourrait dire qu'il est itinérant. »
« En prévoyant des exceptions pour l'obtention de produits et de services professionnels en pharmacie, pour l'obtention de soins [...] le gouvernement du Québec a fait preuve de flexibilité au détriment d'une application plus simple du décret par les corps policiers », souligne Me Johnston.
L'avocat remet ainsi en question la décision du gouvernement de ne pas ajouter les itinérants à cette liste.
Des critiques de toutes parts
« Personne ne veut judiciariser les personnes en situation d’itinérance », affirme le premier ministre. Il dit faire confiance aux policiers qui, selon lui, ne font pas exprès pour distribuer des amendes aux sans-abri.
De nombreux organismes québécois qui viennent en aide aux personnes en situation d’itinérance ont toutefois dénoncé cette décision. L’opposition à Québec, le ministre fédéral des Services aux Autochtones, Marc Miller, et la mairesse de Montréal, Valérie Plante, sont eux aussi en désaccord avec le gouvernement Legault.
La mairesse a d'ailleurs imploré Québec de faire une exception pour les sans-abri, en affirmant que la mesure augmentait l'insécurité des itinérants de la métropole. Les refuges « débordent » certaines nuits, malgré le « nombre record » de lits disponibles, selon Valérie Plante.
Ils peinent à répondre aux besoins de leur clientèle dans le respect des règles sanitaires, alors que les éclosions s’y multiplient. Depuis le début du mois de décembre, Montréal a enregistré 192 cas parmi les itinérants et leurs intervenants.
Une centaine de nouveaux lits en refuge
L'ouverture de deux nouveaux refuges pour sans-abri dans la métropole doit permettre de pallier ce problème.
Le Centre Pierre-Charbonneau a ouvert ses portes vendredi. Il accueille déjà une quarantaine de personnes en situation d'itinérance et pourrait héberger jusqu’à 112 hommes et femmes sept jours sur sept, 24 heures sur 24, à compter de lundi.
Le deuxième centre, l'Hôpital Royal Victoria, devrait être en mesure d'ouvrir lundi.