L’Ontario protège-t-elle l'éducation bilingue?
Radio -canada
2021-04-15 12:24:00
« C’est triste que la francophonie ait été malmenée au sein d’une université qui pourtant avait des obligations claires en vertu de la loi et de son mandat historique », regrette le professeur François Larocque en entrevue à l’émission Jonction 11-17.
En 2014, l'Université Laurentienne est devenue la première université bilingue en Ontario reconnue en vertu de la Loi sur les services en français.
Dans son règlement, l’université doit garantir la « prestation de programmes » qui mènent à l’obtention de 13 grades qui y sont énumérés François Larocque est professeur titulaire de la Chaire de recherche en droits et enjeux linguistiques à l’Université d’Ottawa.
Lundi, l’Université Laurentienne a supprimé près de la moitié de ses programmes en français dans le cadre de sa restructuration, selon les chiffres du Regroupement des professeurs francophones.
« En coupant comme elle l’a fait, elle vient de compromettre sa capacité de respecter ses obligations législatives », tranche M. Larocque, titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie canadienne en droits et enjeux linguistiques à l’Université d’Ottawa.
« Dans quelle mesure la Loi sur les services en français a été prise en compte (dans cette restructuration)? Est-ce qu’elle a été portée devant le juge? », explique François Larocque.
Selon l'article 7 de la Loi sur les services en français, l'établissement universitaire aurait dû évaluer tous les recours possibles avant de couper dans les programmes en français, selon M. Larocque.
Une loi limitée?
Cependant, le professeur souligne les limites de cette loi, qui ne « donne pas d'outils ni de recours aux francophones ».
Il estime que la loi n’a tout simplement pas les moyens d’atteindre son objectif de garantir des droits aux francophones afin d’assurer la pérennité de la culture franco-ontarienne.
L’Association des juristes d’expression française de l’Ontario, dont François Larocque fait partie, plaide d’ailleurs pour une modernisation de la Loi sur les services en français.
L’avocate Samantha Puchala se demande si la désignation bilingue de l’Université Laurentienne est « simplement symbolique ».
Le bilinguisme institutionnel, souvent dominé par la majorité linguistique anglophone, ne peut pas protéger les intérêts de la minorité linguistique francophone, selon Me Puchala.
« Couper la moitié des programmes en français, c’est complètement inacceptable, et je ne peux pas croire que cela se serait passé si on avait vraiment une indépendance par et pour les francophones », dénonce-t-elle.
« Si on ne peut pas protéger une université bilingue en Ontario par la désignation partielle, ça va prendre quoi ? », questionne Samantha Puchala.
« La communauté juridique de l’Ontario français devrait se rassembler pour analyser l’affaire et intenter des actions en justice », conclut-elle.
Vers une université 100 % francophone
Le professeur François Larocque soutient qu’il faut se tourner vers le projet de l’Université de Sudbury plutôt que de « tenter de sauver les meubles à l’Université Laurentienne, qui a perdu toute crédibilité auprès de la communauté franco-ontarienne ».
« L’Université Laurentienne n’est plus prête à jouer son rôle d’établissement bilingue », ajoute Me Larocque.
Un avis que partage l’avocat spécialisé en droits linguistiques Ronald Caza en entrevue à l’émission Matin du Nord.
« La communauté du Nord de l’Ontario doit regarder les options qui existent pour peut-être sauver plusieurs programmes. Tous les programmes francophones devraient être transférés à l’Université de Sudbury », plaide Me Caza.
L'Université de Sudbury, une université fédérée de la Laurentienne, a annoncé le 12 mars son intention de devenir un établissement postsecondaire entièrement francophone.