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De la Cour fédérale à l’art pictural

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Didier Bert

2022-02-18 15:00:00

Un jugé retraité de la Cour fédérale démarre une nouvelle vie, faite de peinture, la grande passion de sa vie… avec le droit.
Autoportrait du juge Luc Martineau. Source: Richard Tardif
Autoportrait du juge Luc Martineau. Source: Richard Tardif
Le juge Luc Martineau, à la retraite depuis l’été dernier, conserve un lien avec la Cour fédérale où il a exercé au cours des vingt dernières années: il y expose ses œuvres picturales.

Certes, l’exposition est restée longtemps fermée au public en raison des mesures sanitaires. Mais l’ancien juge a hâte de voir ses tableaux être accessibles à tous.

« Mes toiles occupent un étage au complet dans l’immeuble de la rue Sparks (à Ottawa, ndlr), un étage réservé aux juges. » Une trentaine de ses peintures et autant de dessins à l’aquarelle trônent dans ce haut lieu de la justice canadienne.

Source: Richard Tardif
Source: Richard Tardif
Parmi les tableaux exposés figure un autoportrait du juge Martineau. « Comme juge à la Cour fédérale, on est photographié quand on arrive… En quittant, je voulais un autoportrait de moi, à ma façon, pas réaliste, comme un clin d'œil au juge qui quitte le monde de la justice pour aller vers l’art. »

Cet autoportrait symbolise à merveille les deux grandes passions du juge Martineau: la peinture et le droit.

Racines artistiques et juridiques

Originaire de Sherbrooke, Luc Martineau a commencé à dessiner dès son enfance. Il réalise des bandes dessinées, inspirées de Tintin et Bob Morane, ses héros d’enfance. Quand il fait ses études de droit, il pratique l’aquarelle et les caricatures. « Je caricaturais Nixon et toutes les figures américaines de l’époque. »

Source: Richard Tardif
Source: Richard Tardif
Le goût de l’art lui est venu de sa grand-mère paternelle, qui acquis une certaine renommée en la matière dans le Pontiac-Témiscamingue. « Je la regardais peindre, j’admirais ses toiles, placées pêle-mêle dans sa maison. Il y en avait partout! »

Si sa grand-mère paternelle lui partage sa passion pour les arts, son grand-père paternel l’éveille au droit. Cet avocat pratiquait au début du XXe siècle à Montréal puis à Campbell’s Bay. « Il avait pratiqué avec l’avocat Hector Charland, qui a été le premier Séraphin à la radio! »

L’adolescent qui rêvait autant d’arts que de droit finit par opter pour le droit. Il fait ses études de droit à l’université d’Ottawa.

« J’ai fait ce choix par sécurité, mais je n’ai jamais abandonné les arts. » C’est au cours de ses études qu’il se passionne pour le droit du travail, et délaisse son intérêt pour le droit criminel.

Source: Richard Tardif
Source: Richard Tardif
Au début de sa carrière juridique, il passe deux ans au Conseil canadien des relations du travail, comme avocat du conseil et assistant du président. « J’ai découvert la Cour fédérale à ce moment. » Elle s’appelle alors la Cour de l’échiquier. « Je rêvais de devenir juge à cette cour. »

Parallèlement, il obtient sa maîtrise en droit à l’Université d’Ottawa. Le droit prend davantage de place que les arts dans sa vie. Luc Martineau exerce en cabinet comme avocat en droit du travail à Montréal. « Dans les années 1980, les relations du travail étaient explosives. » Mais les arts ne sont pas loin. « Je représentais les scénographes, les maquilleurs, les machinistes, les assistants à la réalisation… tous les métiers des arts visuels à Radio-Canada. »

De 1981 à 1990, Luc Martineau est avocat associé au cabinet Robert, Dansereau, Barré, Marchessault et Lauzon à Montréal, avant de devenir associé au cabinet Langlois Robert de 1990 Entre Temps, il a repris la pratique de la peinture. En 1996, il quitte le cabinet Langlois Robert pour devenir arbitre en droit commercial et en droit du travail.

Souvenirs du parc Stanley, Luc Martineau
Souvenirs du parc Stanley, Luc Martineau
Les nuits artistiques du juge

À l’issue d’un parcours qui l’a fait toucher à presque tous les secteurs du droit, en 2002, Luc Martineau est nommé juge à la Cour fédérale à Ottawa. Ce changement professionnel est une renaissance artistique.

« Je suis retourné de façon intensive à la peinture. » Non pas par plus grande disponibilité, mais au contraire pour évacuer la pression qu’il vit comme juge. « Je passais mes journées à travailler, et le soir, je peignais jusqu’à deux heures du matin… À neuf heures, j’entendais des causes à la cour. »

Il abandonne la peinture à l’huile pour se tourner vers l’acrylique, dont il aime manier les consistances variées.

Espoir, Luc Martineau
Espoir, Luc Martineau
Le juge vit alors intensément pour ses deux passions. « Le jour, je travaillais avec ma raison. La nuit, je peignais avec mes émotions. »

En 2019, Luc Martineau est nommé juge surnuméraire à la Cour fédérale. « J’ai décidé de me lancer dans la peinture à temps plein. » Il déménage à Montréal, où il entrevoit sa troisième vie: après celles d’avocat et de juge, cette nouvelle vie sera celle d’artiste. Alors qu’il pouvait demeurer juge surnuméraire, en août 2021, il décide de démissionner de son poste de juge « pour être complètement indépendant et pouvoir me consacrer à la peinture ». Le juge désormais retraité conserve son poste de président à temps partiel de la Commission du droit d’auteur.

« Quand je peins, je vis une expérience du corps et de l’âme extrêmement forte. À un moment, arrive une rupture transcendantale où l’exaltation est complète. Tous mes sens forment comme un double en moi qui travaille. »

Dignité, Luc Martineau
Dignité, Luc Martineau
Une fois dans cet état, l’ex-juge crée des mondes. « Des spectres, des esprits, des éléments apparaissent dans la toile, qui paraissent aléatoires au début. Je travaille dans un état plus loin que l’état de méditation. Dans ce processus, des choses apparaissent. J’ai la possibilité de les laisser vivre ou de les laisser là. »

Parce que plus que des images, ses œuvres sont bien davantage des histoires que le peintre Luc Martineau imagine et partage de par son art.
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