Jugement GND: quand le mieux devient l’ennemi du bien
Rémi Bourget
2012-11-02 15:00:00
La décision rendue par l’Honorable juge Denis Jacques est irréprochable sur le plan de la forme. Un jugement fort intéressant rappelant les principes de base relatifs à la sanction du non respect des injonctions et à l’outrage au tribunal. Quant au fond, en vertu de la preuve qui fut présentée en défense, la décision était inévitable.
La preuve en demande résidait essentiellement dans un enregistrement d’une entrevue de Léo Bureau-Blouin et de GND portant sur le sujets des différentes injonctions provisoires rendues le printemps dernier. La portion pertinente de l’entrevue de GND est la suivante:
''Ce qui est clair c’est que ces décisions-là, ces tentatives-là de forcer les retours en classe, ça ne fonctionne jamais parce que les étudiants et les étudiantes qui sont en grève depuis 13 semaines sont solidaires les uns les autres, respectent, de manière générale là, respectent la volonté démocratique qui s’est exprimée à travers le vote de grève et je crois qu’il est tout à fait légitime pour les étudiants et les étudiantes de prendre les moyens pour faire respecter le choix démocratique qui a été fait d’aller en grève. C’est tout à fait regrettable là qu’il y ait vraiment une minorité d’étudiants et d’étudiantes qui utilisent les tribunaux pour contourner la décision collective qui a été prise. Donc nous, on trouve ça tout à fait légitime là, que les gens prennent les moyens nécessaires pour faire respecter le vote de grève et si ça prend des lignes de piquetage, on croit que c’est un moyen tout à fait légitime de le faire.''
Le procureur de GND a choisi de ne pas le faire témoigner en défense. Or c’est ce choix qui l’a empêché de capitaliser sur l’unique faiblesse apparente du jugement. Elle réside dans le syllogisme effectué par le juge dans les paragraphes 73 à 83 du jugement, selon lesquels, puisque GND savait que DES injonctions avaient été rendues, il ne pouvait ignorer LA présente injonction au bénéfice de Jean-François Morasse, le défendeur en l’instance.
En ne témoignant pas, comment convaincre la Cour qu’il ignorait l’existence de cette injonction alors qu’il accordait justement une entrevue sur le sujet des injonctions (!) et que l’avocat qui le représentait était également celui qui avait plaidé en défense à l’encontre de ladite injonction (!!).
Ce que ce jugement révèle surtout, c’est un cafouillage monumental dans la stratégie de la défense. Soyons clairs, la preuve en demande était très forte, rien ne garantissait que GND aurait pu s’en sauver. Mais la stratégie retenue par son avocat était un véritable suicide.
La leçon de ce jugement est la suivante: lorsque nous faisons face à des accusations aussi sérieuses, rien ne doit être laissé au hasard, surtout pas le choix de son avocat!
Note: Le texte original se trouve sur le blogue officiel de l’auteur, le site Faits et Causes.com; il est reproduit ici avec l'autorisation de l'auteur.
Anonyme
il y a 12 ans"La leçon de ce jugement est la suivante: lorsque nous faisons face à des accusations aussi sérieuses, rien ne doit être laissé au hasard, surtout pas le choix de son avocat!"
Vous venez vraiment de dire ça sur la base de la simple lecture du jugement? J'en reviens pas. Avez-vous entendu dire que ce qui peut paraître comme la meilleure solution ex-ante peut s'avérer bien piètre ex-post, soit au sortir du résultat?
J'en reviens pas que vous puissiez attaquer le travail d'un confrère sans avoir connaissance pleine et entière du dossier!
Lawyer
il y a 12 ansEven though I agree with the judgment, I take issue with the above reasoning of Me Bourget. The burden of proof in a contempt of court action is one of "beyond a reasonable doubt". The strategy to not have Mr. Nadeau-Dubois testify in his own defence was sound, I believe, given the burden of proof and the fact that one would prefer not to have one's client be exposed to cross examination and risk perjuring himself at court.
The court is not allowed to make a negative inference of a defendant not testifying.
On another note, such blatant criticism of a colleague's work in a file is innapropriate, especially when the file is apparently going to be appealed.
Anonyme
il y a 12 ansJe trouve la critique adressée à l'avocat de GND déplacée et injuste. La cause de GND était pratiquement indéfendable. Que vouliez-vous qu'il fasse ? Que GND se parjure en affirmant qu'il n'était pas au courant de l'existence de cette injonction hautement médiatisée ? J'ai la conviction que les risques de condamnation auraient été encore plus grands s'il avait témoigné. D'ailleurs, ses dernières déclarations n'aideront en rien sa cause lors des représentations sur sentence.
Anonyme
il y a 12 ans"respectent la volonté démocratique qui s’est exprimée à travers le vote de grève"
Ce passage me donne de l'urticaire tellement il dénote une incompréhension des règles de base applicables en démocratie. La "démocratie" d'une asso étudiante ne peut avoir préséance sur les institutions démocratiques de la société. Malheureusement, il semble qu'il ne le comprenne pas.
Anonyme
il y a 12 ansÀ ceux qui pensent que l'auteur ne devrait pas critiquer le confrère:
Étiez-vous du même avis lorsque l'ancien batonnier avait critiqué un projet de loi qu'il n'avait pas lu et qui avait été rédigé par des confrères et consoeurs et qui allait être défendu par des confrères et consoeurs?
Themis Roussos
il y a 12 ansTrop facile de lancer la pierre.....la vérité est sans doute que GND avait connaissance du jugement. Dans cette hypothèse, l'avocat ne pouvait le faire témoigner du contraire.
La stratégie n'était donc pas un suicide mais la seule valable, tout en respectant l'éthique professionnelle.
Un excellent jugement, fort bien motivé
Avocat
il y a 12 ansQue veut dire "''La décision rendue par l’Honorable juge Denis Jacques est irréprochable ===__sur le plan de la forme__===''"? Étrange cela.
Un jugement est-il appellable s'il est irréprochable "sur le plan de la forme", mais qui contient des erreurs sur le fond? ou vice versa? c'est quoi une erreur de "forme"? est-ce une erreur de fait, ou une erreur de droit?
Rémi Bourget
il y a 12 ansDans le cas où GND avait une connaissance de l'injonction rendue (ce qui est fort probable) et dans l'éventualité où l'avocat était lui-même au courant de ce fait, alors la meilleure stratégie aurait été, selon moi, de négocier un plaidoyer de culpabilité en échange d'une peine clémente dans le but d'éviter la prison. Après tout, s'il avait connaissance de l'injonction rendue, la seule inférence possible est qu'il a commis l'outrage...
Autrement, le fait de ne pas faire témoigner GND à la lumière de la preuve accablante qui pesait contre lui était tout bonnement suicidaire.
Comme le rappelait la CSC, les avocats n'ont pas à devenir des ennuques de la parole. Lorsque nous acceptons une cause médiatisé, nous savons pertinnement que nous nous exposons à ce genre de critique. D'ailleurs, plusieurs confrères, souvent sous le couvert de l'anonymat ne se sont pas gêné pour critiquer l'initiative de la marche des juristes à laquelle j'ai participé, le printemps dernier.
Anonyme
il y a 12 ansJe n'avais pas de problèmes avec votre analyse (que je sois d'accord ou non avec, on s'en fout) jusqu'à ce que vous critiquiez ouvertement le travail d'un avocat sur la seule base des motifs rendus en faisant le commentaire suivant: "lorsque nous faisons face à des accusations aussi sérieuses, rien ne doit être laissé au hasard, surtout pas le choix de son avocat!"
Maintenant, l'avocat en question est giuseppe sciortino. Il a 20 ans de barreau et vous pouvez trouver un résumé de son parcours ici: http://en.wikipedia.org/wiki/Giuseppe_Sciortino
Je m'interroge en voyant qu'après trois ans de Barreau, vous puissiez si facilement mettre en doute les capacités d'un avocat de plus de 20 ans d'expérience, précisément en droit criminel et pénal; alors que selon le site internet de votre employeur: "Me Bourget exerce dans le domaine du droit de la famille, du droit du travail, ainsi qu’en litige, civil, commercial et administratif."
PS: si vous me répondez merci de ne pas prendre la peine de mentionner ou de faire allusion au fait que j'écris sous couvert d'anonymat. Je prends moi-même le temps de le dire et les lecteurs en feront ce qu'ils voudront en comprenant que je suis soit couard soit prudent et probablement les deux.
Merci.
Vérité Justice
il y a 12 ansBonjour,
En ce qui me concerne il appert évident que le meilleur choix de l'avocat de GND était justement de ne pas faire témoigner son client car il ne faut pas oublier que le fardeau de la preuve revient à celui qui demande.
La question essentielle: Est-ce que GND était au courant de l'injonction ainsi que de sa portée ?
J'ai répondu à cette question sur mon Journal de Vérité Justice en utilisant un jugement de la Cour Suprême.
Vous pouvez constater le jugement [http://veritejustice.wordpress.com/2012/11/01/a-lattention-de-gabriel-nadeau-dubois/|ici]
Merci
PP
il y a 12 ansMe Bourget je profite de l'occasion pour vous dire anonymement que la marche que vous avez organisé était pathétique et je vous lierai toujours à ce mauvais jugement quand je verrai votre nom.
Rémi Bourget
il y a 12 ansMerci encore pour votre critique courageuse et assumée.
@Anonyme: Je connais l'excellente réputation de Me Sciortino (que je ne nommais pas l'article). Maintenant, si les jeunes avocats passaient leur temps à avoir peur des avocats plus âgés, la profession ne se renouvellerait jamais! Bien que je reconnaisse la valeur de l'expérience, je n'ai jamais laisser le nombre d'années d'expérience des confrères m'intimider ou me réduire au silence.
Ceci dit, j'ai effectivement eu plusieurs conversations avec de nombreux confrères et consoeurs à propos de ce jugement avant de publier l'article sur mon blog. Selon moi, il demeurait impossible en logique de prouver un doute raisonnable que GND n'était pas au courant de l'injonction en question (pourtant plaidée par le même bureau) sans le faire témoigner. Est-ce qu'il y a des chances que je me trompe? Tout à fait! Je suivrai d'ailleurs avec intérêt le jugement à venir de la CAQ. Si Me Sciortino remporte gain de cause, je serrai le premier à lui lever mon chapeau.
Anonyme
il y a 12 ansBien que j'apprécie cette attitude qui consiste `a ne pas avoir peur d'un adversaire plus expérimenté, il y a tout un pas entre croire en ses propres capacités et critiquer un confr`ere de mani`ere aussi grossi`ere dans une affaire qui est encore pendante devant les tribunaux.
Me Sciortino a une réputation impeccable et un talent indéniable. La seule erreur que je vois ici n'est pas dans le choix de l'avocat de GND, mais dans le choix de langage de notre jeune confr`ere qui n'agit certainement pas avec la retenue et la courtoisie qu'exige notre profession.
Anonyme
il y a 12 ansMe Bourget,
Je vois que vous avez laissé les 2 dernières lignes de votre article malgré les recommandations contraires. Peut-être que ceci vous amènera à reconsidérer la question: http://www.barreau.qc.ca/fr/actualites-medias/lettres-medias/2012/1120