Bastarache, c'est la fin !
La Presse Canadienne
2011-01-19 14:48:00
Alors que M. Bellemare a soutenu avoir subi des "pressions colossales" de deux collecteurs de fonds libéraux, M. Bastarache affirme que l'ex-ministre de la Justice n'a pas été forcé d'agir contre son gré dans le cas des trois nominations à la magistrature en cause.
Dans son rapport de 300 pages, présenté mercredi, l'ancien juge à la Cour suprême estime que l'ensemble de la preuve "documentaire et testimoniale" contredit les prétentions de M. Bellemare.
"Les faits ne démontrent pas que Me Bellemare a agi sous la pression ou la dictée de tierces personnes lorsqu'il a recommandé la nomination de Marc Bisson et Line Gosselin-Després et la promotion du juge Simard au poste de juge en chef adjoint, a-t-il affirmé en présentant le document.
"La prépondérance de la preuve m'amène à conclure que ces nominations étaient celles de M. Bellemare. Celui-ci n'a pas été contraint d'agir contre son gré."
Dans son rapport, le commissaire Bastarache relève cependant que le choix des magistrats est "perméable aux influences de toutes sortes" une fois qu'un comité de sélection chargé de retenir les finalistes transmet ses recommandations au gouvernement.
Il constate ainsi qu'à cette étape, l'allégeance politique des candidats ou le fait de connaître des représentants du parti politique au pouvoir peuvent entrer en ligne de compte.
M. Bastarache souligne notamment la possibilité d'interventions de députés, ministres, membres des partis, d'avocats ou des candidats eux-mêmes.
Dans son rapport, M. Bastarache recommande de resserrer le processus de sélection en clarifiant le rôle des différents acteurs du gouvernement et en instituant une structure qui encadrerait des membres d'un comité de sélection permanent des personnes aptes à la magistrature.
M. Bellemare a été ministre de la Justice d'avril 2003 à avril 2004. Devant la commission, il a soutenu qu'il avait informé le premier ministre Jean Charest des pressions de deux collecteurs de fonds, ce que le premier ministre a nié catégoriquement.
À propos d'une rencontre, le 2 septembre 2003, où M. Bellemare soutient avoir informé M. Charest des pressions subies, M. Bastarache refuse de se prononcer étant donné que la preuve est "entièrement contradictoire".
Même s'il conclut qu'une autre rencontre entre les deux hommes a eu lieu le 8 janvier 2004, durant laquelle M. Bellemare soutient qu'il a aussi été question des influences de deux collecteurs de fonds, M. Bastarache évite de tirer des conclusions, laissant ce débat au tribunal qui entend les poursuites civiles que les deux adversaires se sont assénées.
"La teneur des propos du premier ministre lors des rencontres du 2 septembre 2003 et du 8 janvier 2004, selon les allégations de M. Bellemare, est l'objet même du débat devant la Cour supérieure dans le cadre de la poursuite en diffamation déposée par Jean Charest", a-t-il dit.
Dans son analyse de la preuve documentaire, le commissaire a rejeté un carton sur lequel M. Bellemare a couché des notes manuscrites, une pièce déposée en preuve qui a fait l'objet d'une expertise de la part d'un spécialiste des encres de stylo.
"Celles-ci sont pratiquement impossibles à comprendre sans les explications de son auteur, si bien qu'elles ne peuvent aucunement constituer une preuve indépendante du témoignage de ce dernier, indique le rapport. De plus, ces notes abrégées sont écrites dans une encre différente de celle utilisée pour le reste du document."
Quant aux "post-it" du seul témoin qui a corroboré la version de l'ex-ministre, M. Bastarache les rejette aussi, concluant qu'ils ne satisfont pas aux règles de fiabilité applicables.