Une semaine de 4 jours, une formule possible pour les avocats?
Nadia Agamawy
2024-02-16 14:15:31
Les avocats du cabinet montréalais 71 Légal ont voté la semaine dernière en faveur d'une semaine de 4 jours ; soit 32 heures de travail hebdomadaire. Pourquoi ce virage n'est jusque-là minoritaire au Québec?
Droit-inc a posé la question à Pierre Arcand, vice-président chez Arcand et Associés et spécialiste en recrutement juridique.
Pas une question de mentalité
D'après M. Arcand, « une semaine de quatre jours est possible, mais il faut être flexible ». Selon lui, il s'agit d'une équation mathématique et non une question de mentalité. Les avocats passent des années, voire quelques décennies à construire et à établir leur clientèle, ce qui requiert une grande disponibilité et un nombre d'heures important. Surtout lorsqu'il s'agit de gros clients.
En outre, travailler moins d'heures par semaine signifierait moins de temps d'apprentissage pour les jeunes avocats. Dans cette perspective, devenir associé dans un cabinet d'avocats prendrait, d'après le spécialiste en recrutement, plus d'années pour un avocat.
« On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre », raisonne M. Arcand sans pour autant signaler que la formule 4-jours soit impossible. Il explique que celle-ci s'apprête davantage aux cabinets boutiques dont les clients, aux factures moins substantielles, ont souvent tendance à être moins exigeants. Autrement dit, ces clients seraient plus enclins à accepter « que le travail soit fait lundi matin plutôt que vendredi ».
Pour nuancer, M. Arcand ajoute qu'avec le télétravail, c'est quand même probable que des avocats au sein de grands cabinets travaillent déjà officieusement quatre jours (ou « quatre jours et demi ») par semaine. Qui sait? Dans la mesure où l'avocat se montre réactif aux appels et disponible en cas d'urgence, ses heures complètes sont facturées et son client est content.
« On vit dans une société capitaliste »
En lui demandant si alors la souplesse au niveau des exigences incombe-t-elle aux clients même? C'est certain que des avocats reçoivent fréquemment « de fausses urgences » de la part de leurs clients, témoigne M. Arcand. Cela dit, « on vit dans une société capitaliste, et non socialiste». Ce serait utopique de penser que les clients baisseraient leurs exigences avec leurs grosses factures - des factures que les avocats veulent aussi voir intactes, poursuit M. Arcand.
D'après son expérience, les avocats qui demandent une semaine de 4 jours demeurent minoritaires à l'heure actuelle. Ceux qui le réclament seraient souvent des avocats en fin de carrière ou ceux avec de jeunes enfants ayant besoin de plus de temps libre pour eux-mêmes ou pour leurs familles.
Enfin, s'il ne s'agit pas d'une question de mentalité, le présumé-coupable serait-il le modèle économique même de nos sociétés capitalistes et consommatrices?