La fiscalité n’est pas un gros mot
Céline Gobert
2012-06-28 15:00:00
Aujourd’hui, elle est fiscaliste spécialisée en taxes à la consommation chez RSM Richter Chamberland, un métier « sous-estimé » selon elle.
« J’ai toujours gardé à l’esprit cette idée de machine à voyager dans le temps et d’une place à l’autre instantanément. Cela a toujours été mon rêve, plaisante-t-elle, de vivre à l’ère où l’on découvrirait cela ! »
Normal, pour une professionnelle très occupée comme elle, qui travaille au minimum 50 heures par semaine.
« On ne compte pas ses heures lorsque l’on fait ce qui nous passionne », assure-t-elle, pourtant.
Parcours atypique
Tout débute en 1989, elle a alors 23 ans. Son parcours, elle le juge atypique.
En effet, explique-t-elle, elle a eu l’opportunité de conclure tout le cycle d’une transaction commerciale : de l’idée à la mise en place, en passant par les impacts fiscaux et la revue par les autorités fiscales.
« J’ai passé plus de la moitié de ma carrière de fiscaliste en tant que gestionnaire d’une fonction de fiscalité, ce qui m’a permis d’acquérir de l’expérience. En plus d’être une experte consultante, je devais m’assurer que les entreprises se conforment aux règles fiscales. »
Une expérience intéressante, selon elle, qui apporte une nouvelle façon de servir les clients.
Une expérience qui inclut divers aspects : être capable d’offrir une expertise d’expert, d’appliquer une réponse chiffrée dans la vraie vie, de considérer l’évaluation faite par les autorités fiscales de la réponse d’expert appliquée.
Un mot intimidant
Selon elle, le mot fiscalité intimide les gens.
« Soit ils le traduisent par un comportement d’ignorance, et ils ne veulent rien savoir, soit ils vont être agressifs ou anxieux. »
Son rôle à elle est d’aider les entrepreneurs à gérer cette complexité fiscale.
Avant RSM Richter Chamberland, elle a occupé le poste de directrice principale au sein du groupe des taxes à la consommation de Bell Canada.
Au cours de son mandat, elle a constitué le plus grand groupe de pratique des taxes à la consommation au Canada, en s’assurant que les aspects touchant les taxes à la consommation soient bien intégrés aux processus de l’entreprise, et cela, dans toutes les divisions et régions géographiques.
« Nous avions fait beaucoup de lobby pour l’implantation d’une TVH en Ontario, annoncée en 2009 et introduite en 2010. C’était un de mes projets que de changer cette loi en Ontario. Une fois cela accompli, il fallait que je me trouve un autre défi. »
Approche proactive
Chez RSM Richter Chamberland, pas un seul client type mais un tas d’industrie et une approche proactive.
Son travail consiste à suivre les nouveautés dans les lois fiscales, se tenir informée des tendances sur le marché commercial, et contacter ses clients pour leur parler, par exemple, des opportunités dont ils peuvent bénéficier, ou les prévenir lorsque risques il y a.
Ainsi, elle n’attend pas la transaction commerciale pour informer ses clients d’idées d’affaires. Prévention et planification sont ses mots d’ordre.
« Nous ne faisons pas de litiges. Le but de mon équipe n’est pas d’intervenir à la Cour. Notre intervention se limite à aider nos clients à comprendre les lois fiscales et les assurer de leur conformité dans leur système. »
Le seul mauvais côté de son travail ? Causer de la peine et de l’anxiété à des concitoyens qui doivent se conformer à des régimes qui s’alourdissent face à un tas d’exceptions.
Souvent, lorsqu’ils subissent une vérification fiscale, beaucoup ne sont pas prêts, dit-elle.
Conseillère avant tout
Avant tout chose, Natalie St-Pierre est une conseillère. Essentiellement pour des sociétés privées, des grandes à de plus petites entreprises.
« On cherche l’éclaircissement qui va permettre aux gens derrière les transactions de se sentir en contrôle et d’être moins anxieux, ce qui ne peut se faire, sans une compréhension accrue de la nature humaine, un intérêt pour les détails, et une capacité de réserver son jugement », dit-elle.
Sa stratégie ? Essayer d’en faire une gestion de risque définie selon la situation du client. Ce qui signifie: voir ce qui est au cœur de l’entreprise et explorer, dans le cas d’une transaction, ce qu’il y a au-delà des enjeux en matière de taxes à la consommation.
Parfois, le diagnostic révèle des aspects plus importants à prendre en compte, tels l’argent ou la notion de compétitivité.
Dans son travail, elle s’inspire de ses lectures sur la nature humaine et d’études universitaires sur le comportement humain qu’elle dévore.
« On peut tout améliorer, la vie, notre vie, celle des autres, non pas en imposant notre façon de faire mais en collaborant de façon à englober tous les besoins. A la fin, nous sommes tous des humains. »
C’est d’ailleurs pour cela qu’elle s’implique au sein de nombreux comités.
En effet, elle est - entre autres - membre du comité consultatif sur l’agence relevant du ministre du Revenu du Québec depuis la création du comité en 2005 ; elle a fait partie du conseil d’administration du TEI et de comités sur les taxes à la consommation, et a siégé au conseil d’administration des Amis du Jardin botanique de Montréal pendant 7 ans.
Oui, malgré son travail, cette fiscaliste à la tête d’une équipe de sept personnes trouve du temps à consacrer aux autres, à ses autres passions, et à sa vie de famille.
Avocats incontournables
« Pour moi les avocats ont une formation très intéressante, sur le plan de la communication notamment. »
En effet, selon elle, ils ont, d’un côté, la capacité de mettre par écrit les ententes ou les opportunités qui sont vues par les hommes d’affaires et de l’autre, l’expérience de pouvoir communiquer et faire communiquer une vision et des objectifs.
« En cela ils sont incontournables pour explorer une opportunité et mieux la définir. »
En fiscalité, explique-t-elle, les cabinets d’avocats ne réfèrent pas beaucoup le client, car le comptable est déjà impliqué dans les opérations financières de tous les jours.
Toutefois, selon elle, ce ne sont pas des concurrents, plutôt des non convaincus.
« Ils ne remettent pas forcément en question ce qui se fait, ne sont pas à l’affût de ce qu’il peut y avoir au-delà. Parfois, cela vaudrait la peine d’avoir un second regard et de collaborer avec nous.»
Son défi à elle est de vous convaincre, vous, avocats, que cette collaboration est possible et importante.
« Selon moi, le titre de votre article devrait être: "à l’affût des opportunités perdues" », plaisante-t-elle.
Parmi ses collaborations, elle cite celles avec Stikeman, BCF, BLG et Davies. Ou encore avec Osler, qu’elle a « adoré ».
Elle se souvient notamment d’une collaboration fructueuse avec un avocat du bureau de Toronto, Me Sean Aylward, sur des dossiers de taxes à la consommation lorsqu’elle était encore chez Bell.
« Une collaboration réussie c’est lorsque le conseiller a l’expertise et le sens de l’écoute. »
Écoutez-la en dire plus sur l’importance d’une collaboration avec les avocats :