La femme suprême

Emeline Magnier
2013-06-21 10:15:00

Sa carrière de juge a débuté à la Cour du comté de Vancouver en 1981. Elle a ensuite été nommée juge de la Cour suprême de la Colombie Britannique la même année, puis à la Cour d'appel en décembre 1985, et enfin à la Cour suprême du Canada en 1989.
C'est la troisième femme à intégrer à la plus haute juridiction, et elle totalise 24 années de siège à la Cour Suprême. En 2000, elle a pris les rênes de la Cour, entourée de juges brillants, parfois divisés par des luttes intestines.
Dans une entrevue accordée au Globe and Mail, celle qui a détrôné William Johnstone Richtie -- qui pour sa part avait occupé ces fonctions de 1879 à 1892-- explique qu'elle est toujours frappée par la façon dont les parents la présente à leurs enfant lors de la visite de l'édifice à l'occasion de la fête du Canada.
"Ils expliquent à leurs enfants qu'on a un juge en chef et que c'est une femme. Du côté des parents, cela traduit une certaine admiration, et pour les enfants, ça leur prouve que le sexe n'est pas une barrière dans leur pays", dit-elle.
Préoccupations juridiques
Bien décidée à servir jusqu'à sa retraite obligatoire à l'âge de 75 ans, l'Honorable juge McLachlin se dit très préoccupée par la situation des malades mentaux dans le système judiciaire actuel.

Avec les réformes proposées par le gouvernement fédéral, il sera beaucoup plus difficile pour les délinquants considérés comme étant à risque élevé d'être examinés et possiblement libérés.
Enfance modeste et parcours scolaires difficiles
Au cours de sa carrière, longue et productive, elle a toujours été très attentive au sort des personnes socialement défavorisées, en écho certainement à son milieu d'origine modeste dans une petite ville de l'Alberta.
À l'école secondaire, les conseillers ne lui réservaient pas un brillant avenir. "J'avais les pires résultats qu'ils n'avaient jamais vu, excepté en lecture où j'avais un excellent taux de réussite, ils se grattaient la tête et se demandaient ce qu'ils allaient bien pouvoir faire de moi".
La réponse est arrivée à l'Université, alors qu'elle étudiait dans le programme de baccalauréat en philosophie. Elle a retenu l'attention du doyen de la fac qui l'a encouragé à s'inscrire en droit.
Ce fut une révélation, qui l'a conduite jusqu'à des hauteurs inespérées.
Ascension magique
L’ascension fût "presque magique", dit la juge en chef.
Avec une santé à toute épreuve et une bonne dose d'enthousiasme pour son travail, il n'est pas étonnant que la juge McLachlin établisse des records de longévité. "Je n'ai aucune intention de démissionner, je suis éprise de mon travail et j'espère bien continuer jusqu'au bout".
Elle s'est toujours attelée à préserver l'image de la juridiction et à renforcer sa cohésion, ouvrant la voie à un régime plus harmonieux où les esprits se heurtent quelques fois, sans entacher les relations personnelles.
Fermeté et engagement
La juge en chef sait aussi être ferme avec les avocats qui s'écartent du sujet traité, comme avec les juges trop longs à rendre des jugements. "Je souhaite que cette juridiction soit considérée comme créatrice de droit de haut niveau avec une jurisprudence qui contribue à faire du Canada un meilleur état", indique l'Honorable juge McLachlin.
Elle s'est également servi de ses fonctions à la tête du Conseil canadien de la magistrature pour mettre l'emphase sur les lacunes existantes en matière d'accessibilité à la justice, explique Mayo Moran, doyen de la faculté de droit de l'Université de Toronto.
Si elle se refuse à critiquer le gouvernement fédéral quant à la réduction du nombre de juges femmes à la Cour Suprême, passant de quatre à trois, elle affirme cependant que la parité entre les sexes est primordiale.
"Il y a une multitudes d'exemples illustrant des situations où la société traite les femmes différemment des hommes et les hommes légèrement différemment des femmes. Nous apportons tous nos perspectives et nos différences au travail, ce qui est fondamental", conclut la juge en chef.
Pour lire l’article dans le Globe and Mail, cliquez ici.