La Presse

Les femmes de Gowlings

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Rene Lewandowski

2011-03-11 16:00:00

Mardi, à l'occasion de la Journée internationale des femmes, nous avons rencontré quatre avocates du grand cabinet pancanadien. Elles évoquent la nouvelle approche de leur employeur à l'égard de l'organisation du travail.
Entre le moment où elle a quitté le bureau et celui où elle est revenue, il s'est écoulé 10 mois. De nos jours, 10 mois, pour un congé de maternité, c'est assez usuel. Mais lorsqu'on est une avocate dans un grand cabinet pancanadien et que l'on pilote l'un des plus importants litiges des 20 dernières années, voilà qui est plutôt inhabituel.

Pourtant, Florence Lucas a pu profiter de sa nouvelle vie de maman en toute tranquillité, sans se faire reprocher quoi que ce soit ni subir aucune pression de la part de son employeur.

Florence Lucas pratique en litige civil et commercial
Florence Lucas pratique en litige civil et commercial
« C'est simple, je n'ai eu aucun contact avec le bureau pendant trois mois; tout le monde m'a laissée tranquille! » dit, amusé, l'avocate de 36 ans, qui vient tout juste de revenir en pleine forme chez Gowlings, à Montréal. Au cours des prochains mois, elle aura besoin de cette énergie, car c'est elle qui représente l'auteur Claude Robinson dans la longue bataille qu'il livre depuis des années contre Cinar et cie. En mai prochain, la cause sera entendue en Cour d'appel.

Il y a 10 ans à peine, quitter ainsi son travail et espérer reprendre son dossier quelques mois plus tard aurait été impensable pour une avocate dans un grand cabinet. Le boulot aurait été confié à un collègue et il l'aurait probablement conservé. Tout comme il était difficile pour une avocate d'accéder à de gros dossiers ou d'être promue associée, surtout pour celles qui voulaient aussi une vie familiale. Aujourd'hui, c'est différent. Vrai, les grands bureaux sont encore des milieux de travail conservateurs et la plupart sont toujours dirigés par des hommes. Mais tranquillement, les choses évoluent.

Les deux tiers sont des femmes!

Martine Guimond pratique en droit des affaires
Martine Guimond pratique en droit des affaires
Les grands cabinets n'ont n'a jamais eu de difficulté à attirer les jeunes avocates de talent. Le problème a toujours été de les garder ou de s'assurer qu'elles puissent progresser vers le statut d'associé au même rythme que leurs collègues masculins. Il faut dire que la charge de travail est lourde. Au Canada, en pratique privée, les avocats doivent en moyenne facturer entre 1600 et 1800 heures par année. Aux États-Unis, on leur demande jusqu'à 2200 heures. À cela s'ajoute le temps consacré au développement de la clientèle, à la formation continue, et aux organismes communautaires, ce qui paraît toujours bien sur un CV.

Ne reste plus grand temps pour la famille, les enfants, la vie sociale.

Chez Gowlings, mais aussi dans d'autres cabinets, on a pris acte de la nouvelle réalité selon laquelle près des deux tiers des finissants en droit sont des finissantes. La relève des grands cabinets est surtout féminine et elle est remplie de talent.

« Les jeunes avocates sont trop bonnes pour qu'on les laisse sur les lignes de côté », dit l'associée Martine Guimond, 42 ans. Cette pro des valeurs mobilières et des fusions et acquisitions est aussi en charge du recrutement des étudiants chez Gowlings. Elle explique que, dès l'entrevue préliminaire, on indique aux futurs stagiaires qu'elles ont le droit d'aspirer à une belle carrière et d'avoir une famille.

Joëlle Boisvert, chef du secteur des litiges
Joëlle Boisvert, chef du secteur des litiges
On a donc mis des mesures en place, un peu calquées sur celles que l'on retrouve dans d'autres secteurs: horaires flexibles, temps partiel, travail à la maison, tout est possible et négocié au cas par cas. Seule condition: dans la mesure du possible, il faut bien planifier d'avance ses pauses.

C'est d'ailleurs ce qu'a fait Florence Lucas. Sa grossesse, elle l'a planifiée un an d'avance. Et l'an dernier, dans l'affaire de Claude Robinson, c'est juste avant de prendre son congé de maternité qu'elle a déposé son mémoire à la Cour d'appel. Elle s'est aussi assuré que ses collègues puissent prendre la relève durant son absence.

Le talent n'a pas de sexe

Chez Gowlings, au bureau de Montréal, ces initiatives donnent des résultats. Le tiers des associés sont aujourd'hui des femmes. Ce n'est pas encore la parité, mais l'associée Joëlle Boisvert, 46 ans, est convaincue que ce n'est plus qu'une question de temps avant qu'on y arrive. Quand la nouvelle génération d'avocats aura pris sa place, il y aura plus de femmes aux postes de commande. Simple équation mathématique.

Pour le moment, de plus en plus d'avocates font leurs classes dans des postes-clés. Chez Gowlings, plusieurs dirigent des groupes de pratique et sont sur différents comités de direction.

« Le talent n'a pas de sexe ! » dit Joëlle Boisvert, mère de deux adolescents, qui elle-même dirige 50 avocats du secteur des litiges et siège au Comité de gestion du bureau.

Mireille Fontaine, spécialiste notamment des fusions&acquisitions
Mireille Fontaine, spécialiste notamment des fusions&acquisitions
Une chose ne changera en revanche jamais dans un grand cabinet d'avocats, et ce, que l'on soit un homme ou une femme: quand un client appelle et qu'il veut être servi sur-le-champ, il faut être disponible, presque 24 heures sur 24. Mireille Fontaine, 41 ans et mère de trois petites filles, peut en témoigner. Comme spécialiste en investissement et en fusions&acquisitions de sociétés privés, l'associée a participé à des dizaines de transactions. Parfois, il lui a fallu travailler tard le soir ou de la maison, même durant les week-ends. Mais ses enfants sont habitués. Un jour, une de ses jumelles de 9 ans lui a même demandé: « Maman, es-tu dans un closing ou es-tu en train de négocier ? »



Mes Boisvert, Fontaine, Guimond et Lucas profitent de la nouvelle approche de Gowlings à l'égard de l'organisation du travail
Mes Boisvert, Fontaine, Guimond et Lucas profitent de la nouvelle approche de Gowlings à l'égard de l'organisation du travail
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