«Côtoyer de grands leaders»
Dominique Tardif
2016-05-11 14:15:00
Il ne s’agissait pas, dans mon cas, de tradition familiale. Même s’il n’y avait pas d’avocat dans mon environnement, je rêvais, déjà à huit ans, de devenir avocate. J’ai d’ailleurs retrouvé un macaron datant d’une journée carrière de l’époque, où l’on nous demandait : que deviendras-tu quand tu seras grande?’…j’avais écrit ‘avocate’ sur le mien, en dessinant en prime le maillet dessus!, dit-elle dans un rire. Je voyais dans le droit une façon de pouvoir aider les gens en les conseillant, en trouvant des solutions, etc.
C’est vers la fin du secondaire et au cégep que je me suis découvert un intérêt pour le marché des affaires et le marché boursier. J’ai donc orienté mes cours, une fois à la Faculté de droit, dans cette direction. Ayant gradué en 1991 en plein ralentissement économique, le hasard des choses a fait en sorte que j’ai débuté en litige et en assurances. C’est par la suite que j’ai bifurqué vers le droit des affaires et vers l’entreprise. Je trouvais en effet difficile de constater, en pratique privée, que le dossier arrivait sur mon bureau une fois que le problème s’était matérialisé, et je souhaitais pouvoir contribuer un peu plus en amont du problème.
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
En fait, chaque grande transition de carrière m’a apporté un défi particulier d’adaptation.
Mon premier grand défi s’est présenté chez Jean Coutu, où j’ai eu l’occasion de contribuer à des dossiers très ambitieux et d’une grande complexité, notamment dans le cadre du dossier de la vente des actifs américains, finalisée en 2007, puis dans celui des papiers commerciaux. Il s’agissait de dossiers qui nécessitaient beaucoup de doigté et qui étaient très différents et novateurs, et ce, pour des raisons différentes. Cela m’a permis de sortir de ma zone de confort, tout en faisant des apprentissages extraordinaires.
Mon autre grand défi est celui que j’ai vécu dans mon poste actuel, en travaillant avec mon équipe à faciliter la concertation des treize provinces et territoires sur des enjeux de réglementation de marchés financiers. Coordonner tous ces intervenants, qui ont chacun juridiction en matière de valeurs mobilières, est un défi en soi, et comprendre les motivations des joueurs et leurs préoccupations en est un autre. Notre bureau étant chargé de coordonner les travaux entre les différentes provinces, nous avons toujours 20 à 25 projets de réglementation en cours, en plus des travaux des comités permanents.
Le recours toujours croissant à nos services afin de faciliter la réalisation de différents projets me rend très fière. Il serait évidemment une erreur de croire que les grands défis sont derrière nous : il y en aura toujours. La façon la plus efficace de les surmonter, cela dit, est sans aucun doute de comprendre ce qui motive les différentes parties impliquées.
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Mon mandat à la présidence du CAIJ m’a permis de mieux apprécier là où est rendue la pratique du droit aujourd’hui, par comparaison à ce qu’elle était à mes débuts.
Les avocats sont d’un naturel très conservateur, il est vrai, mais la pratique évolue naturellement. Cette pratique, d’ailleurs, est de plus en plus diversifiée, avec des clients qui exigent notamment des outils adaptés à différents niveaux de technologie.
Si j’avais une baguette magique, j’encouragerais donc tous les acteurs concernés à continuer de soutenir le plus possible l’accès à de l’information juridique de qualité pour tous les avocats au Québec. À ce chapitre, continuer de faire les choses de la même façon qu’avant n’est pas une solution. Il ne faut, en effet, pas prendre pour acquis que les services d’information juridique, tels qu’ils le sont actuellement, répondent et répondront amplement à la demande. Il est impératif de garder à l’esprit que les besoins se diversifient et sont grandissants, et que l’on doit s’y adapter sur le plan technologique puisqu’il existe toujours un besoin à combler.
4- La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était à vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
J’aurais été portée à répondre que la perception est demeurée essentiellement la même depuis mes débuts en pratique, mais dois dire que les tensions de l’été 2015 au sein du Barreau ont certainement jeté une ombre au tableau qu’il est difficile d’ignorer.
À terme, je suis cependant convaincue que cette perception négative saura se résorber et s’estomper. Les acteurs impliqués continueront d’agir positivement, conformément à leur mission, qui est de soutenir les membres du Barreau dans leur pratique, et de protéger le public.
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui débute en pratique et qui souhaite connaître du succès dans sa carrière?
Il faut savoir saisir les opportunités et oser essayer quelque chose de différent, en sortant des sentiers battus. Il ne faut pas craindre de sortir de sa zone de confort et toujours chercher à se dépasser.
J’ai pour ma part été très chanceuse, en ayant l’opportunité de côtoyer de grands leaders : il tellement important de pouvoir s’inspirer de ceux qui nous entourent.
J’insiste aussi beaucoup sur l’importance de savoir écouter et de comprendre ce que les gens nous disent…et ne nous disent pas!
Comprendre les forces en présence et profiter de toutes les occasions pour solliciter l’avis de notre entourage et les mettre à contribution est nécessaire. Les gens sont, sans raison, gênés de solliciter l’avis des autres. Il est pourtant surprenant de voir combien les gens peuvent être généreux de leur temps.
Finalement, il est nécessaire de ne pas perdre de vue les objectifs personnels que nous nous sommes fixés au départ, parce qu’il est autrement très facile de se ‘faire prendre dans le tourbillon’. Il est donc important de se questionner sur la façon dont les choses que l’on accepte de faire s’inscrivent dans le master plan qu’on établit pour nous-mêmes, sachant que ce plan est évidemment appelé à évoluer avec le temps.
· Ses livres préférés. … Elle a adoré les livres de l’auteure Kim Thúy et « How Will You Measure Your Life », de Clayton Christensen
· Son dernier bon film – The Big Short (réalisteur : Adam McKay)
· Elle ne se lasse pas d’écouter … Coldplay
· Son dicton préféré – « Il ne faut jamais dire jamais ».
· Son péché mignon - Un bon café allongé !
· Son restaurant préféré - H4C (Place St-Henri, rue Saint-Jacques).
· Elle s’installerait volontiers à… Rome.
· Une personne qu’elle admire beaucoup : Aung San Suu Kyi, première ministre du Myanmar et lauréate du prix Nobel de la paix en 1991. C’est une femme extraordinaire, de qui se dégage une grande paix. Elle a réussi à surmonter un régime militaire en faisant preuve d’une résilience hors du commun. Son leadership lui a fait mener son parti là où il est aujourd’hui, sur la base de valeurs humaines d’égalité et de démocratie.
· Si elle n’était pas avocate, elle serait…diplomate!
Secrétaire générale des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) depuis 2008, elle a auparavant occupé les fonctions de secrétaire corporative au sein du Groupe Jean Coutu (PJC) inc., où elle a, entre autres, participé à la réalisation de transactions d’importance, dont la vente des actifs américains de la compagnie à Rite-Aid et l’acquisition subséquente d’une filiale de médicaments génériques.
À titre de Secrétaire générale des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (regroupement des autorités provinciales et territoriales en valeurs mobilières du Canada), Me Lachapelle est responsable de la gestion et de la supervision des activités du Secrétariat des ACVM. Elle assure en outre la coordination des projets et initiatives réglementaires des ACVM ainsi que la gestion du secrétariat général, incluant la gestion des ressources humaines, financières, matérielles et informationnelles. Dans le cadre de ses fonctions, elle coordonne la mise en œuvre du plan stratégique des ACVM et veille à l’atteinte des objectifs.
Au préalable, elle a travaillé pour Pebercan Inc. à titre de secrétaire corporative et de conseillère juridique et pour LV Conseils Institutionnels, comme conseillère juridique. Elle a également occupé le poste de directrice des relations avec les investisseurs à Eicon Technology, en plus d’avoir exercé le droit chez Robinson, Sheppard, Shapiro.
Elle siège sur plusieurs conseils d’administration, tel que celui du Centre d’accès à l’information juridique (CAIJ) en tant que présidente, celui de la Corporation de l’Externat Mont-Jésus-Marie et celui du chapitre québécois de l’Institute of Chartered Secretaries and Administrators (ICSA).