La Couronne engage une procureure dont le conjoint a défendu Rizzuto
Éric Thibault/Le Journal De Montréal
2012-11-08 08:30:00
Gilles Duceppe, l’ancien chef du Bloc québécois, parle même d’un « grand malaise », après avoir reçu les confidences de «plusieurs personnes impliquées dans le domaine judiciaire, qui m’ont fait part de leurs inquiétudes».
« Je trouve que c’est très questionnable, estime le nouveau chroniqueur du Journal. Ça m’a surpris. Dans notre système de justice, il ne doit pas y avoir de conflit d’intérêts, ni même d’apparence de conflit d’intérêts. C’est jouer avec le feu. »
Me Clément Monterosso, dont Me Giroux est la conjointe et était l’associée dans leur cabinet d’avocats à Outremont — elle l’était toujours hier, d’ailleurs, sur le site Internet de la firme — depuis huit ans, a défendu Vito Rizzuto jusqu’en Cour Suprême, de 2004 à 2006. Le parrain contestait alors son extradition aux États-Unis pour y être jugé relativement à son rôle dans les meurtres de trois capos de la famille mafieuse new-yorkaise Bonanno, en 1981.
Zampino, Catania et cie
Me Giroux a été recrutée par le Bureau de lutte à la corruption et à la malversation (BLCM), l’équipe de procureurs de la Couronne chargée de faire condamner les personnes arrêtées par l’escouade Marteau et l’Unité permanente anticorruption.
Le DPCP a confirmé que l’un de ses mandats est celui où l’ex-numéro 2 de la Ville de Montréal, Frank Zampino, l’entrepreneur Paolo Catania, l’entreprise Construction Frank Catania, l’ex-chef de cabinet de Gérald Tremblay, Martial Fillion et l’ancien organisateur politique d’Union Montréal, Bernard Trépanier, sont accusés dans la magouille du Faubourg Contrecœur.
Un témoin de la Couronne dans ce dossier, Elio Pagliarulo, a dit devant la commission Charbonneau que non seulement la mafia récoltait une redevance de 5 % des contrats publics, mais que Frank Catania avait « un accès direct au parrain », tandis que son fils Paolo Catania aurait donné 550 000 $ en pots-de-vin à Frank Zampino.
Le DPCP assure avoir obtenu «des garanties importantes» visant à empêcher «tout conflit d’intérêts possible» impliquant Me Giroux dans ses nouvelles fonctions.
« On connaissait son passé et on est conscient de sa relation avec Me Monterosso, a fait savoir Me René Verret, porte-parole du DPCP, sans élaborer sur la nature de ces garanties. Des mesures de sécurité supplémentaires ont été prises afin de nous rassurer par rapport à sa situation.»
Me Verret a souligné l’expérience et les compétences « impressionnantes » de l’ancienne avocate de la défense.
« On s’estime chanceux de pouvoir compter sur elle, a-t-il dit hier. Bien sûr, elle a déjà représenté des gens du crime organisé. Mais c’est aussi le cas de plusieurs avocats qui se sont joints à la Couronne dans le passé. Son dossier au Barreau est impeccable, son intégrité n’a jamais été mise en doute. Et elle a l’appui de tout le monde au BLCM. »
Proximité
Gilles Duceppe a toutefois rappelé que Me Sylvain Lussier a dû démissionner comme procureur en chef de la commission Charbonneau parce qu’il avait déjà représenté une entreprise visitée par l’escouade Marteau, le mois dernier.
«Et ça n’avait même pas rapport avec le mandat de la Commission. Je ne dis pas que Mes Giroux et Monterosso sont malhonnêtes. Leur proximité soulève cependant des doutes. Il me semble qu’on prend des risques», croit l’ex-politicien.
Le ministre de la Justice, Bertrand St-Arnaud, ainsi que l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales ont préféré ne pas commenter.
Maître Bravo
il y a 12 ansCes histoires de conflits d'intérêts deviennent une source prodigieuse d'inventions déontologiques amateures et de théories du complot.
Les syndics du dimanche devraient jeter un coup d'oeil à la liste des clients du regretté juge en chef Lamer, du temps où il faisait de la défense... ça les guérirait.