Accord de l'ALENA : deux juristes mitigés
Éric Martel
2018-10-01 14:15:00
Selon les deux juristes, le Canada a fait des concessions importantes afin de maintenir le mécanisme de règlement des différends.
En effet, selon eux, Justin Trudeau tenait coûte que coûte à maintenir le chapitre 19 de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) concernant le mécanisme de règlement des différends, quitte à effectuer quelques sacrifices importants.
« Justin Trudeau a fait des concessions encore plus grandes que ce qui était prévu dans l’Accord de partenariat transpacifique, mais il n’avait pas le choix de le faire pour conserver le chapitre 19 », note Me Jean-Guillaume Shooner, qui pratique notamment le droit commercial international au sein de Stikeman Elliott.
Tout comme Me Alain-Pierre Lecours de Lecours Hébert avocats, Me Shooner croit que c’est le Québec qui ressentira les impacts de cette nouvelle entente, en vertu de laquelle le Canada accorde l'équivalent de 3,25 % de son marché aux producteurs laitiers américains.
Sachant que le Québec est un joueur important dans ce marché, les avocats considèrent que le nouvel accord nuira à son économie.
« On a priorisé un enjeu politique plutôt que commercial en protégeant le chapitre 19. D’un point de vue canadien, ça se défend, mais le Québec a le droit d’être déçu » note Me Jean-Guillaume Shooner.
Les deux pays gagnants
Chose certaine, les avocats consultés croient que Donald Trump a raison d’être fier de ses négociations menées avec le Canada.
« On comprend que les Américains souhaitaient avoir leur propre tribunal plutôt que de composer avec un tribunal international partial qui leur donne rarement gain de cause. Il n’en reste pas moins que Trump dira “mission accomplie” d’un point de vue économique », analyse Me Lecours.
Cela n’empêche que le dénouement des négociations est tout de même bien pour le Canada selon les avocats sondés.
« Trudeau a bien géré la situation dans la mesure où il ne pouvait pas lancer des répliques cinglantes à Trump, qui peut être impulsif. Il devait faire profil bas, sachant l’importance de son pays pour les États-Unis », explique Me Lecours.
Ce dernier ne croit toutefois pas qu’une impasse dans les négociations menant à la non-signature d’un traité de libre-échange entre les pays aurait été catastrophique.
Même si le coup aurait été dur à encaisser pour le Canada à court terme, il estime que les Canadiens auraient compris l’importance de commercialiser avec une plus grande variété de pays afin d’éviter de devoir composer avec « l’intimidation commerciale américaine.»
Une opinion qui n’est pas partagée par Me Shooner.
« Avec l’imprévisibilité de l’administration Trump, le Canada se devait impérativement d’en venir à un accord avec les États-Unis. On peut être rassurés. »