Demande de recours collectif pour détention abusive
Radio -Canada
2019-03-05 10:37:00
Lorsque Benoît Atchom Makoma est arrêté par les policiers de Gatineau le 23 juin 2015, il est détenu pendant plus de 38 heures avant de comparaître devant un juge, même si la Charte canadienne des droits et libertés prévoit une période de détention maximale de 24 h avant la comparution.
La demande d'action collective est faite au nom de toutes les personnes arrêtées et maintenues en détention au Québec pour une période de plus de 24 h sans comparaître, et ce, après le 19 juin 2015. La demande d'autorisation, déposée en juin 2018, devra être étudiée par un tribunal en juin avant que le recours collectif puisse aller de l'avant.
L’article 503 du Code criminel relate que toute personne arrêtée doit comparaître "si un juge de paix est disponible" dans les 24 h suivant son arrestation "sans retard injustifié".
Jusqu’au 19 juin 2015, des juges de paix étaient en mesure, par voie téléphonique, de permettre à une personne arrêtée de comparaître à l’intérieur de ce délai, mais la mesure a été suspendue par le ministère de la Justice. Depuis ce jour, aucune comparution n’a lieu à compter de 16 h 30 le samedi jusqu’au lundi suivant, sauf pour de rares exceptions, soutient l’avocate Nancy-Line St-Amour. Aucune comparution ne pourrait donc avoir lieu pendant 40 heures.
"La violation, à mon sens, est évidente", croit l’avocat Jean-François Benoît.
Une question d'économie?
Me St-Amour allègue que c’est pour des raisons "pécuniaires" que les comparutions n’ont pas lieu à ces moments, ce qui serait contraire à la Charte des droits et libertés.
"Des raisons économiques ne peuvent pas, ici, au Québec, priver les citoyens de leurs droits fondamentaux. À ce moment-là, l’État doit prendre les mesures nécessaires", estime Me St-Amour.
La métropole et la vieille capitale sont visées par la demande, puisque celles-ci ont compétence en matière de comparutions criminelles, contrairement aux autres villes du Québec, affirme l’avocate.
Selon Jean-Claude Bernheim, spécialiste en criminologie, les autorités ne respectent pas l’esprit du Code criminel et "utilisent ce (délai) dans une perspective de détenir les gens le plus longtemps possible pour pouvoir éventuellement obtenir des aveux".
Selon l’expert, "dans quantité de métiers, il y a des gens qui travaillent le samedi et le dimanche", alors cela devrait être le cas pour les juges, pour "répondre à un besoin essentiel, qui est de présenter des citoyens arrêtés devant un magistrat dans les 24 h".
Me Benoît se dit d'ailleurs préoccupé par ce qu’il croit être la motivation derrière cette décision. "On a délibérément fait un choix d’économiser de l’argent en détenant des milliers de personnes illégalement et en toute connaissance de cause."
Jusqu'à 12 000 personnes visées, estiment les demandeurs
En se basant sur des chiffres obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, les demandeurs prétendent que "l’action collective viserait plus de 12 000 personnes" et que celles-ci pourraient donc être autorisées à faire une demande en dommages et intérêts et dommages punitifs.
Selon eux, seul un recours collectif permettrait à l’ensemble de personnes lésées d’obtenir réparation, puisque le coût d’actions individuelles serait disproportionné par rapport aux dommages réclamés. Ils demandent, pour chaque personne, 2000 $ en dommages et intérêts et 5000 $en dommages punitifs.
''Avec les informations de Yasmine Mehdi''