Il faut facturer les heures passées aux toilettes, dit un cabinet!
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Julien Vailles Et Jean-François Parent
2016-10-12 15:00:00
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Spécialisé en droit commercial, Nabarro a spécifiquement annoncé que toute pause café ou autre pause de six minutes ou moins devrait être ajoutée aux heures facturables, parce que l'avocat continue de penser à son travail.
On peut quantifier les répercussions de cette règle : comme les plus grandes firmes facturent environ 1 653 $ canadiens de l'heure, une telle pause de six minutes pourrait coûter...jusqu'à 165 $ aux clients!
Depuis, la directive aurait cependant été retirée, celle-ci ayant causé un tollé au sein de la communauté juridique, écrit le National Post. Certains juristes se questionnaient notamment à savoir s'il fallait facturer les clients lorsqu'on pensait à leurs affaires en prenant son bain, où en étant coincé dans un ascenseur.
Quelques perles du Barreau
Nabarro n’a cependant pas l’exclusivité des honoraires injustes et déraisonnables. En effet, la consultation des jugements rendus par le Conseil de discipline du Barreau du Québec, dans les dernières années, révèlent quelques perles.
L’avocat Jean Mercure s’est ainsi vu condamner pour avoir « donné à sa profession un caractère de lucre et de commercialité » en convenant avec une cliente d’une rémunération particulière.
La représentant devant la Société d’assurance automobile, auprès de qui elle tentait d’obtenir des indemnités, la cliente s’est vue proposer une convention d’honoraire impliquant un taux horaire, auquel s’ajoutait 20 % de l’indemnité versée par la SAAQ en cas de victoire.
Ça ne s’arrêtait pas là, cependant: l’avocat a par la suite inscrit une modalité au contrat selon laquelle la cliente s’engageait à lui verser « un pourcentage de 1.5 % de toutes ces sommes calculés (sic) jusqu’au 68e anniversaire du client », peut-on lire dans la décision sur culpabilité et sanction du conseil de discipline. Jacques Mercure se faisait donc payer trois fois pour un même travail.
L’avocat Roland Carrier a eu, quant à lui, l’idée de percevoir une commission sur la revente d’une maison et ce, alors que son mandat était terminé.
Au début du mandat, Roland Carrier a fait signer à sa cliente une convention d’honoraire « prévoyant que l’intimé, pour ses services professionnels, sera rémunéré au taux de 9 %, sans plus de détail », lit-on dans la décision sur sanction, rendue en mai dernier.
La cliente décide finalement de mettre fin au mandat quelques jours après son début. L’avocat, lui faisant croire qu’elle signait une quittance, lui fait plutôt signer une nouvelle convention d’honoraire. C’est avec cette convention qu’il se présente chez le notaire de son ex-cliente, quelques mois plus tard, pour réclamer sa part de la revente de la maison de sa cliente: 10 000 $, soit les 9 % prévus au contrat.
L’avocat Carrier remboursera finalement plus de 7000 $ à sa cliente à la suite d’une décision arbitrale, reconnaissant que « sa cliente est une personne vulnérable, possédant des habiletés limitées pour gérer ses affaires et les situations conflictuelles ». Le comité de discipline l’a condamné pour chacun des six chefs pour lesquels il était accusé, lui imposant une radiation de deux mois, une réprimande, et une amende de 1000$.
Enfin, l’ex-avocat Aaron Arnold Lechter avait, pour sa part, négocié un pourcentage du montant d’indemnisation perçu par un couple dont les enfants étaient décédés dans un accident de voiture. En exigeant 20 % des quelque 53 000 $ obtenus par le couple, Aaron Arnold Lechter avait dans les faits facturé plus de 2500 $ l’heure… pour aider le couple à remplir des formulaires de réclamations auprès de la SAAQ. Travail qui lui avait pris, de son propre aveu, environ 4,5 heures.
Invoquant la confidentialité des causes traitées tant par le syndic que par ses conciliateurs intervenant lors de désaccords sur la facturation, le Barreau a décliné notre demande d’entrevue sur la problématique des honoraires injustes et déraisonnables.