L’arrêt Jordan, deux ans plus tard
Jean-francois Parent
2019-01-16 11:15:00
« On est encore dans un goulot d’étranglement. Oui, on a réduit les délais des procédures, mais il y a encore beaucoup trop de causes dans le système », relate la criminaliste Danièle Roy, présidente de l’Association des avocats de la défense de Montréal.
Rappelons que la Cour suprême a imposé une limite sur la durée des procès criminels, en juillet 2016, en ordonnant l’arrêt des procédures contre Barrett Jordan, qui attendait depuis près de 50 mois que son procès se termine. On a donc imposé une limite de 18 mois pour les cours provinciales et de 30 mois en cour supérieure comme délai dans les causes criminelles.
« Cela a permis au système de faire des ajustements, et on a investi pour améliorer l’appareil judiciaire. Mais il reste tant à faire… », poursuite Me Roy.
Ainsi, on a mis beaucoup de pression sur la défense pour qu’elle aille plus vite dans ses procédures. On a également réduit les délais desdites procédures. On a également réduit la paperasse, et surtout « on fait en sorte qu’on peut maintenant négocier avec la poursuite avant le procès, et que la culture de l’appareil judiciaire change peu à peu », poursuit Me Roy.
Il reste cependant que la communication entre toutes les parties pourrait s’améliorer, selon elle.
« Le bilan, deux ans après Jordan, est toutefois qu’on est sur la bonne voie, mais qu’il reste des lacunes à corriger. »
À l’Ouest, rien de nouveau
On ne peut pas en dire autant de l’Ontario, qui peine à juguler l’engorgement de sa justice criminelle. Ainsi, suivant l’arrêt Jordan, on a fait plusieurs déclarations, mais pas beaucoup plus, déplore le criminaliste ottavien Leo Russomanno, président des Avocats criminalistes de l’Ontario.
« Le système tente de manoeuvrer dans un contexte où le gouvernement ne se commet pas du tout au changement, affirmait-il récemment au magazine Law Times. Le système est sous financé, et on n’a toujours pas le changement de culture nécessaire pour prendre les décisions difficiles », déplore-t-il.
Sans compter que les irritants demeurent : la preuve est administrée sur des cédéroms, alors qu’ils sont de plus en plus rares sur les ordinateurs, ou encore les délais causés par l’obligation de la défense d’être présente en cour même pour les questions sans importance sur le procès.
Par ailleurs, comme le rapporte l’Association du Barreau Canadien dans son magazine Le National, l’absence d’argent « frais » et de politiques garantissant des procès plus efficaces forcent les juges et les avocats à trouver eux-mêmes des solutions. Avec le résultat, dans plusieurs cas, que les cours tiennent souvent la défense responsable des retards, s’évitant ainsi des arrêts de procédures.
Au final, en l’absence de réformes structurelles pour améliorer les délais, déplacer ce fardeau sur les épaules de la défense reviendrait à délester les gouvernements de leur obligation politique de régler le problème, conclut le magazine.