Le Barreau nage dans les surplus
Jean-Francois Parent
2022-06-16 15:00:00
C’est le surplus non affecté inscrit au solde du fonds général du Barreau du Québec, qui présentera ses états financiers 2021-2022 lors de son assemblée générale annuelle, ce vendredi 17 juin.
Une belle cagnotte, à n’en point douter, mais il serait souhaitable qu'il en soit autrement, selon les auditeurs du Barreau.
En février dernier, le conseil d’administration du Barreau s’est d’ailleurs penché sur la question.
Ainsi, lors du dépôt de l’État des résultats du Barreau, en prévision du rapport annuel 2021-2022, ces surplus non affectés—qui résultent des excédents des produits sur les charges générés chaque année - s’établissaient à 12,7 millions de dollars, indique le procès-verbal (PV) du 3 février dernier, disponible sur le site du Barreau.
Le PV relate ainsi qu’ « (u)n membre souligne un questionnement à l’égard de l’importance des surplus non affectés». Il indique que cela fait plusieurs années que la problématique est soulevée et que les surplus demeurent importants.
« Bien que cela soit une bonne nouvelle eu égard à la saine gestion financière des fonds, on devrait utiliser ces sommes pour les investir dans la réalisation de la mission », lit-on dans le document.
La directrice générale du Barreau, Me Catherine Ouimet, indique que les surplus doivent être investis, « entre autres dans la formation et dans l’amélioration du service des technologies de l’information ».
Au final, le CA conclut qu’ « (o)n travaillera afin de diminuer ces surplus dans la prochaine année », selon le document.
Au Barreau, la bâtonnière Catherine Claveau explique à Droit-Inc que « les saines pratiques de gestion financière suggèrent effectivement que les organisations à but non lucratif, telles que le Barreau du Québec, maintiennent des surplus d’environ 20 à 25 % du montant annuel des charges. Dû à plusieurs raisons, notamment la pandémie qui a occasionné davantage de surplus qu’anticipé, le Barreau du Québec enregistre actuellement des surplus au-delà de ce pourcentage. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles la cotisation n’a pas été indexée depuis quelques années ».
Cotisations en baisse
Il reste que la question des surplus se pose dans l’immédiat : que faire avec de telles sommes, se demande le CA. Réduire les cotisations? Investir dans la mission de l’Ordre?
« Les membres discutent des recommandations liées aux cotisations », relate le PV, qui fait état de débats « sur ce qui doit être fait avec ces surplus (réduction de cotisation ou autre) ».
La bonne nouvelle pour les membres, c’est que les cotisations sont maintenues au niveau actuel, soit « 855,25 $ sans augmentation ni indexation, pour les cinq derniers exercices financiers, soit en 2018-2019, 2019-2020, 2020-2021, 2021-2022 et 2022-2023 », avec les modulations usuelles pour les membres comptant moins de 4 ans d’exercice.
Notons que le même niveau de cotisation est utilisé pour le calcul des prévisions financières 2023-2024, également disponibles sur le site du Barreau, ce qui laisse penser que les cotisations au fonds général sont pour l’essentiel gelées pour l’avenir prévisible.
C’est du moins ce que proposera la résolution 2.1, qui sera soumise au vote des membres le 17 juin.
En outre, la cotisation au Fonds d’indemnisation sera de 0 dollars. « La capitalisation suffisante du Fonds d’indemnisation », et l’absence de dossiers susceptibles d’impacter le fonds de façon notoire pour l’avenir prévisible permet de fixer la cotisation au Fonds d’indemnisation pour l’exercice financier 2023-2024 à 0 $.
Seule la cotisation au Programme d'aide aux membres du Barreau du Québec (PAMBA) augmentera légèrement, passant de 45 $ pour l’exercice 2022-2023 à 50 $ pour l’exercice 2023-2024.
Enfin, la cotisation au Fonds d’assurance responsabilité professionnelle (FARPBQ) sera à nouveau réduite de 50 dollars, passant donc de 750 à 700 dollars.
Un surplus qui laisse songeur
De tels surplus, s’ils sont un heureux problème, doivent néanmoins être faire l’objet d’une réflexion.
Ainsi, toujours selon le PV du 3 février, « (l)es orientations dégagées par le CA à l’égard des surplus non affectés sont fondées sur les recommandations des auditeurs du Barreau du Québec à l’effet que le niveau (des surplus jugés acceptables dans le cadre d’une saine gestion) est de 20 % des charges fixes ».
Pour se conformer à cette recommandation, les surplus non affectés du fonds général doivent donc être, au plus, d’environ 6,8 millions de dollars.
À l’heure actuelle, selon les données financières présentées aux membres, les surplus de 11 millions de dollars inscrits au 31 mars 2022 constituent 38 % des charges fixes du fonds général, lesquelles sont de 29,8 millions.
Or, l’auditeur cautionne contre des surplus supérieurs à 20% des dépenses courantes, jugeant que cela dépasse ce qui est « acceptable ».
Ces surplus étaient de 6,8 millions de dollars en 2015, pour des charges de 30,4 millions, soit 22 %. En 2016, les surplus de 8 millions de dollars constituaient 26 % des charges; en 2017, ils bondissaient à 10,4 millions de dollars, soit 34% des charges.
Ils n’ont depuis jamais cessé d’augmenter, atteignant même 13,6 millions de dollars en 2019, totalisant presque la moitié des charges, soit 45 %.
La situation s’est quelque peu résorbée depuis, mais d’avoir un aussi imposant bas de laine signale que des investissements qui devraient—ou pourraient être faits—ne le sont pas.
C’est d’ailleurs pourquoi le Barreau entend s’y attaquer dans la prochaine année.
L’avenir du surplus
Questionné à savoir si un plan d’affectation de ces surplus serait discuté demain en assemblée générale, le Barreau explique à Droit-inc que, tel que l’indique le PV du 3 février, « le Comité de finances et d’audit ainsi que le Conseil d’administration ont discuté de l’importance d’investir dans les projets pertinents et porteurs pour la mission du Barreau, ce qui aurait incidemment comme impact la réduction de ce surplus ».
Cependant, le Barreau n’a pas encore fait « de recommandation ni de conclusion formelle voulant que le Barreau se dote d’une stratégie d’affectation puisque cela sera traité par la mise en œuvre du nouveau plan stratégique 2022-2026 », indique Me Claveau.
Elle signale en outre que le déficit de 3,9 millions de dollars prévu pour l'exercice 2023-2024, ne relève pas d’une affectation des surplus non affectés à proprement parler, qui viserait à les sommes non affectées.
« Une portion du 3,9 M$ de déficit projeté (...) sera consacrée au déploiement de ce nouveau plan stratégique qui inclut la transformation numérique de l’Ordre ainsi que la réforme du programme d’inspection professionnelle », poursuit la bâtonnière.
Elle conclut en disant que « l’année 2023-2024 est également une première année dans le cycle de deux ans de formation continue obligatoire du Barreau », et qu’il est habituel que cette première année soit déficitaire, « puisque moins d’avocats s’inscrivent aux formations pendant cette période ».
Anonyme
il y a 2 ansJe ne peux pas croire que l'on en discute encore ! Faites des frais de bar une échelle mobile, basée sur ce que nous gagnons, pour l'amour de Dieu. Cela aurait dû être fait il y a 20 ans. Le Barreau est comme une société d'État dans les années 1960. C'est très frustrant.
Anonyme
il y a 2 ansIts really great being an organisation with just too much money and no concerns about it not continuing to come in.
Anonyme
il y a 2 ansAvant que les tizamis du Barreau convainquent leurs tizamis à l'interne de créer des programmes, projets, et autres initiatives inutiles (voire douteuses), ... pour se remplir les poches.
Anonyme
il y a 2 ansVous avez raison. Tout le monde sait que c'est comme ça que ça marche. Il s'agit d'une organisation qui a mon avis est depuis plusieurs années hors contrôle et à des années lumières des avocats en pratique privée qui souvent en arrachent et qui ont eux, des vraies responsabilités.
Mk
il y a 2 ansMe anonyme, vous avez raison!
Ils pourront flambé cet argent dans des publicités inutiles (les gens save c'est quoi un avocat) ou encore dans des comités d'inclusion pour faire plaisir au grands cabinets fédéralistes qui ont des gens à placer pour leur image ou encore faire d'autres sondages pour nous convaincre qu'il y a plein de harcèlement et justifier ces comités ou encore faire des voyages en France et des cocktails trop cher.
En plus de tout sa, rappelez-vous que cet argent vient en partie des avocats privés qui en arrachent comme l'aide juridique ou en région qui sont pris dans la gorge mais qui doivent payer pour vivre. Une autre grosse partie vient des gouvernement et des villes qui paie des cotisation de leur avocat sans poser de question comme une subvention sans rédition.
C'est facile alors de nager dans des surplus.
A
il y a 2 ansJe vous rappelle qu'une enquête (longue, certes) sur un seul avocat (Me Harvey), du Syndic ad hoc, a coûté 250 000 $ (et plus) avec un grand cabinet...
Ce qui aurait permis d'engager deux syndics adjoints à temps plein pendant un an.
Et non, aucun syndic adjoint n'enquête sur un seul avocat.... :) En plus ils sont beaucoup plus compétents que ça. Eux, les syndics adjoints, sont capables de plaider devant le CD.
Voilà votre cash à l'oeuvre.
A
il y a 2 ans"La bonne nouvelle pour les membres, c’est que les cotisations sont maintenues au niveau actuel, soit « 855,25 $ sans augmentation ni indexation, pour les cinq derniers exercices financiers, soit en 2018-2019, 2019-2020, 2020-2021, 2021-2022 et 2022-2023 », avec les modulations usuelles pour les membres comptant moins de 4 ans d’exercice."
C'est hypocrite de le mentionner en ces termes en s'auto-flattant....
Faut plutôt mentionner que pendant tous ces exercices financiers il y a eu des gros surplus.
Faut plutôt avoir honte de ne pas avoir entamé la réfléxion il y a cinq ans...
a
il y a 2 anset pendant que les autres ordres professionnels suspendent le paiement de la cotisation annuelle pendant les congés de maternité, le Barreau les maintient. sans égard si les membres travaillent ou non durant cette période. il me semble que pour favoriser l'équité, ce serait déjà un pas de ne pas réclamer des frais pour les membres dans cette situation.
Jean-Francois Denis
il y a 2 ansC'est bien facile de critiquer, mais il m'apparaît plus approprié de féliciter Me Catherine Ouimet, qui est en poste depuis 2020, pour sa gestion efficace et rigoureuse de l'organisation. Ce surplus ouvre la porte à de belles possibilités de modernisation pour le Barreau et elle est sans contredit la meilleure personne pour mener ce genre de chantier. Bravo!
Anonyme
il y a 2 ansPourquoi ne pas prévoir que les surplus budgétaires seront affectés au fonds d'assurance responsabilité?