Le nombre de juges n’est pas le problème
Didier Bert
2024-02-29 14:15:40
Le principal problème de la justice québécoise, ce n'est pas le manque de juges, affirme un criminaliste chevronné.
Si le manque de juges a fait les manchettes ces derniers mois, il ne s'agit pas de la priorité principale du système de justice québécois, considère un avocat qui compte plus de 40 années d’expérience en droit criminel.
« L'augmentation du nombre de juges n'arrangera pas notre système de justice pénale. Quel est l'intérêt de nommer davantage de juges qui devront travailler dans un palais de justice fait de ruban adhésif ? » interpelle Me Ralph Mastromonaco, dans une publication sur LinkedIn.
L’avocat donne un exemple récent:
« Deux fois ce mois-ci, une pénurie de personnel m'a obligé à attendre 3 heures avant que la salle d'audience n'ouvre en raison d'un manque de personnel de soutien - et non d'un manque de juge. Le juge a également attendu 3 heures avant que sa salle d'audience n’ouvre. »
Pour Me Mastromonaco, c'est le manque de personnel et de technologie adéquate qui pénalise le système de justice québécois. Et il détaille les causes de ces manques:
« Nos palais de justice manquent de personnel en raison des bas salaires et des mauvaises conditions de travail qui incluent l'obligation de travailler avec du matériel de bureau obsolète. Notre ministre de la Justice refuse d'introduire dans nos palais de justice des technologies de l'information facilement accessibles qui permettraient de faire notre travail plus rapidement et à moindre coût. »
L’avocat ajoute que le système de justice pénale doit revoir la criminalisation de certains comportements sociaux:
« Notre système de justice pénale inculpe et incarcère trop, en particulier les personnes autochtones et racialisées. Les procureurs du Québec continuent d'adhérer à des directives de « tolérance zéro » qui n'ont pas leur place dans un système de justice pénale crédible car elles empêchent toute négociation de plaidoyer digne de ce nom. Lorsque la loi est rendue plus sévère, les accusés contestent davantage, ce qui ajoute à l'engorgement de nos tribunaux. »
Avant de pointer des raisons politiques à cet engorgement:
« Nous devons éliminer les milliers d'affaires qui encombrent nos tribunaux et qui ne sont pas dans l'intérêt public si cet intérêt est considéré sérieusement et non politiquement. »
Et de conclure sa démonstration:
« Les juges nouvellement nommés ne nous seront d'aucune utilité si le système dans lequel ils exercent leurs fonctions continue d'être technologiquement et substantiellement dépassé. Nous méritons mieux. »