Le pape mandate un juge du Québec
Radio-canada Et Cbc
2024-03-05 13:15:21
Le pape François a mandaté un juge québécois à la retraite pour enquêter sur les allégations de gestes à caractère sexuel qui visent le cardinal Gérald Cyprien Lacroix…
Si la « vraisemblance » des faits est établie, l’enquête pourrait mener à l’ouverture d’un procès canonique.
Le nom de Gérald Cyprien Lacroix est récemment apparu dans des documents judiciaires liés à l’action collective intentée contre le diocèse de Québec.
Les gestes qui lui sont reprochés seraient survenus entre 1987 et 1988 à Québec. La victime présumée avait 17 ans au moment des faits allégués. Les documents du recours collectif font mention d’attouchements, de fellation et de pénétration.
À la suite de la médiatisation des allégations le visant, le cardinal Lacroix a annoncé le 26 janvier qu’il se retirait provisoirement de ses fonctions d’archevêque de Québec, le temps que « la situation soit clarifiée ».
Le 8 février, le pape François a confié à André Denis, juge retraité de la Cour supérieure du Québec, le mandat de faire la lumière sur les faits reprochés au cardinal Lacroix.
« Considérant la nécessité de conduire une enquête portant sur les faits, les circonstances et l'imputabilité du délit allégué, je vous nomme enquêteur », peut-on lire dans la lettre de mandat du souverain pontife.
« À la fin de cette enquête, vous aurez soin de me produire un rapport détaillé de vos démarches et de vos conclusions », ajoute-t-il.
Enquête préliminaire
Le travail d’André Denis consistera à déterminer si les faits allégués sont « suffisamment crédibles et imputables » au cardinal Lacroix pour justifier l’ouverture d’un procès canonique.
« C’est une enquête préliminaire où l’on ne décide pas de la culpabilité ou de l'innocence de la personne visée, mais de la vraisemblance ou non des faits », écrit le juge Denis dans une lettre datée du 19 février et adressée aux procureurs des deux parties.
La plus grave sanction qu’encourt un membre du clergé à l’issue d’un procès canonique est le renvoi de l’état clérical. Cette peine se traduit par la perte des droits et devoirs du clerc condamné.
En 2019, le pape François avait renvoyé de l’état clérical l’ancien cardinal américain Theodore McCarrick, accusé d’abus sexuels sur des mineurs et des adultes.
Refus de collaborer
Pour mener à bien son enquête, André Denis a exprimé le souhait de « rencontrer personnellement » la plaignante, ce qu’elle a refusé.
Le magistrat à la retraite affirme respecter le choix de la présumée victime. Il prévient que son enquête ira malgré tout de l’avant.
« Je compte faire mon travail dans le respect des personnes tout en assurant la confidentialité des propos qui pourraient m’être rapportés. C’est la raison pour laquelle je ne souhaite pas faire d’autres commentaires publics », indique André Denis dans un courriel à CBC.
De son côté, le diocèse de Québec mentionne dans un communiqué publié lundi après-midi qu’il « offrira son entière collaboration » au juge à la retraite « sur demande de sa part ».
La division ecclésiastique ajoute qu’elle « n’interviendra pas dans le déroulement de l’enquête ni dans les conclusions de celle-ci ».
« Nous ne ferons aucun autre commentaire sur cette démarche qui se déroule sans intervention de notre part », précise le diocèse.
L’avocat qui pilote l’action collective intentée contre le diocèse de Québec et à laquelle participe la femme, Me Alain Arsenault, dit n’accorder aucune valeur ni crédibilité à l’enquête déclenchée par l’Église catholique.
Il affirme que certains de ses clients s’étant prêtés à l’exercice en sont sortis « meurtris » et ont été victimes de représailles.
« Processus vicié »
« On a vu l’application de ce processus interne, ç’a donné une poursuite en diffamation de 100 000 $ de la part [du cardinal] Marc Ouellet. Ç’a donné, dans d’autres dossiers, des histoires un peu invraisemblables. Ça fait que ne nous demandez pas de participer à quelque chose qui n’est pas crédible avec les expériences passées [qu’on a eues] », lance Alain Arsenault en entrevue à Radio-Canada.
« Le processus est vicié dès le départ. On n’a pas à embarquer là-dedans, on n’a pas à imposer à une victime le processus de l’Église », soutient Me Alain Arsenault, avocat en droit civil.
Le lien de confiance envers l’Église étant « inexistant à l’heure actuelle », l’avocat mentionne que sa cliente a choisi de s’adresser à un tribunal civil pour « entamer son processus de guérison ».
« Elle aurait pu aller au criminel, mais elle a choisi d’aller au civil à l’intérieur d’une action collective. C’est tout à fait correct », insiste Alain Arsenault.
Mise au point
L’avocat a par ailleurs apporté des éclaircissements par rapport à la nature des gestes allégués qui sont reprochés à Gérald Cyprien Lacroix.
Il a expliqué à la journaliste et animatrice Isabelle Richer pourquoi il avait jusqu’ici été uniquement question d’attouchements, mais pas de fellation ni de pénétration.
« Habituellement, lorsqu'on annonce des nouvelles victimes, on ne donne pas ces détails-là par discrétion, par souci de ne pas trop mettre de pression sur les gens. Il y a une erreur qui a été commise [lors de l’annonce en janvier]. On a juste parlé d'attouchements, mais [...] on a confirmé au juge Denis [que] c'était bien attouchements, fellation et pénétration », a clarifié Me Arsenault.