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Les cryptomonnaies, bientôt un enjeu en droit de la famille

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Delphine Jung

2019-04-29 13:15:00

Un père a dû dévoiler ses avoirs en cryptomonnaie dans le cadre d’un litige relatif à une pension alimentaire…
La juge Llana Nakonechny.
La juge Llana Nakonechny.
Cette décision a été rendue le 5 avril dernier par la juge Llana Nakonechny en Ontario. Toutefois, la juge a concédé à ce que ces informations soient caviardées afin de protéger l'intimé.

Ce dernier avait pourtant fait valoir que la divulgation de cette information pouvait entraîner des tentatives de cyber attaques et éventuellement de vol à son encontre.

Evan Thomas, avocat chez Osler à Toronto, affirme que la décision intéressera les avocats spécialisés en droit de la famille et en droit commercial, étant donné qu'il y a peu de jurisprudence dans le domaine de la cryptomonnaie.

Evan Thomas, avocat chez Osler.
Evan Thomas, avocat chez Osler.
«Au-delà des questions de droit de la famille, il y aura des problèmes de divulgation d'informations sur les actifs de cryptomonnaie. Cette information peut finir par être déposée devant le tribunal et l’information peut donc devenir publique », déclare-t-il.

Plus près de chez nous, l'avocat québécois Éric Marquette, qui pratique en droit de la famille au cabinet Pringle avocats, ne s'étonne pas tant que la cryptomonnaie devienne un enjeu en matière de garde. Car finalement, des actifs en monnaie virtuelle doivent être considérés comme «n'importe quel autre actif, car la question des actifs et des revenus revient très souvent », dit-il.

Pour le moment, il n'a pas connaissance d'un cas similaire au Québec, étant donné la relative nouveauté des cryptomonnaies, mais cela ne saurait tarder.

La juge Nakonechny a finalement décidé que l’intimé pourrait payer 2 012 dollars par mois de pension alimentaire.

Me Thomas s’est réjoui que les tribunaux se soient montrés sensibles aux préoccupations de confidentialité relatives à la cryptomonnaie dans cette affaire, mais que les experts pourraient aider les juges à comprendre en quoi la cryptomonnaie est différente des autres actifs financiers.

Retour sur l’affaire

Éric Marquette, qui pratique en droit de la famille au cabinet Pringle avocats
Éric Marquette, qui pratique en droit de la famille au cabinet Pringle avocats
Dans le cas en Ontario, le demandeur et le défendeur sont les parents d'un étudiant universitaire âgé de 24 ans.

La mère qui est la requérante «n’a aucun autre revenu que la pension alimentaire imposable de 1 200 $ par mois qu’elle reçoit de l’intimé». Ses dépenses annuelles s’élèvent à 72 822 dollars.

L’intimé quant à lui est producteur indépendant de vidéos pour sourds et malentendants. Ses dépenses annuelles s’élèvent à 383 649 dollars et comprend le versement d’une pension alimentaire mensuelle pour deux autres enfants de 2 500 et 2 100 dollars chacun, indique la décision.

Toutefois, les gains de l’intimé ont été contestés dans l’affaire, y compris ses avoirs en cryptomonnaie. Il a déclaré posséder des cryptomonnaies pour une valeur comprise entre 10 et 18 millions de dollars, selon la date. La valeur était de 9 502 416 $ au 8 février 2019, précise la décision, mais elle a beaucoup fluctué ces derniers mois.

«L’intimé a déclaré qu’il disposait ou allait produire les documents pertinents attestant ses investissements en bitcoins. Cependant, il déclare qu'il n'a pas d'archives des transactions et que les preuves des transactions elles-mêmes n'existent qu'au moment de l'échange. Les ‘comptes’ en bitcoins ne sont pas détenus par des tiers comme des comptes bancaires et, par conséquent, les transactions avec les documents relatifs aux comptes ne peuvent pas être produites comme des comptes bancaires traditionnels », peut-on encore lire.

Difficile d'évaluer

Aaron Grinhaus, directeur du Grinhaus Law Firm à Toronto
Aaron Grinhaus, directeur du Grinhaus Law Firm à Toronto
Aaron Grinhaus, directeur du Grinhaus Law Firm à Toronto, explique que la technologie sous-jacente à la cryptomonnaie est conçue pour être aussi transparente que possible, mais que les choses peuvent devenir difficiles si plusieurs cryptomonnaies sont impliquées ou si le cas nécessite l'enregistrement de transactions.

Cependant, ajoute-t-il, un plaideur pourrait avoir le moyen de partager sa « clé publique » pour révéler les détails de la transaction sans révéler sa « clé privée », ce qui s'apparente à un code PIN. Il a également noté que, sauf si un actif est encaissé, il peut être difficile de chiffrer l'évaluation en raison des fluctuations du marché des cryptomonnaies.

Selon l’avocat, il ne serait peut-être pas nécessaire de créer un nouveau précédent dans ce domaine si les tribunaux pouvaient envisager les cryptomonnaies comme des actifs financiers, tels que des comptes à l'étranger.

Bref, vous savez à quoi vous en tenir : la blockchain et la cryptomonnaie… même les avocats en droit familial vont devoir s'y mettre !

Pour lire la décision, cliquez ici.
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