Les policiers peuvent cacher la vérité à un prévenu pour des aveux
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Jean-Francois Parent
2017-12-20 13:15:00

La Cour d'appel l'avait débouté, lui et son avocat Pierre Spain, de Biron & Spain à Trois-Rivières, en janvier dernier.
On tentait alors un pourvoi contre un jugement sur voir-dire autorisant le dépôt en preuve d’une déclaration audio-vidéo le jour même de l'arrestation. Selon l'appel, le juge aurait erré en admettant en preuve une déclaration « à la suite de promesses, de menaces et en utilisant un subterfuge ».
Un meurtre pour une chicane de clôture
C'est l'histoire d'une chicane de clôture qui a dégénéré, au point où un meurtre a été commis, en 2009. Cédant aux insistances d'une amie qui soutient s'être fait voler un bout de terrain par des voisins, Yvan Branconnier accompagne Solange Alarie, par une fraîche journée de novembre 2009.
Cette dernière dit vouloir « faire peur » à son voisin Jean-Guy Frigon en le menaçant d'une arme à feu alors que la victime fend son bois de chauffage pour l'hiver. Branconnier cède au souhait de son amie de lui prêter des armes à feu et de l'accompagner dans les bois, encagoulés.
Sauf que pour lui « faire peur », des coups de feu sont tirés, et Jean-Guy Frigon est abattu par Solange Alarie, selon Branconnier. Les deux complices retournent chacun à leur domicile et ce n'est que deux ans plus tard que l'enquête se conclut et qu'Yvan Branconnier est arrêté.
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En fait, l'enquêteur aurait même fait des promesses de peine plus clémente. On lui aurait fait croire que Solange Alarie pourrait l’inculper.
D'où, l'inadmissibilité alléguée de l'aveu, et l'errance du juge de première instance.
Une ruse qui n’est « pas répréhensible »
La Cour d'appel rejette ce moyen d'appel en janvier dernier, estimant que le recours à la ruse policière ne faussait pas la validité de la confession.
Il y a eu ruse policière : « L’existence du subterfuge n’est pas contestée. Le sergent Lapointe reconnaît avoir été informé de la mort de Solange Alarie vers le milieu ou les trois quarts de l’interrogatoire et confirme avoir délibérément choisi de ne pas divulguer ce renseignement à l’accusé ».
En appel, on estime que le juge de première instance a bien agi : « Grâce à ce subterfuge, l’appelant a finalement reconnu qu’il était aux côtés de Solange Alarie au moment de l’homicide, mais il conclut que cette ruse ne peut être qualifiée de « répréhensible et de nature à choquer la collectivité ».
Et que la confession est admissible.
C'est ce jugement que Pierre Spain a tenté, en vain, de faire invalider par la Cour suprême.
« La Cour n'a pas motivé son refus, mais il est possible qu'elle ait jugé que tout avait été dit sur la question des ruses policières, avec l'arrêt Oickle », se désole Me Spain.
Dans cette décision rendue en 2000, il s'agissait de déterminer si l'omission par les policiers d’informer un suspect de l’inadmissibilité des résultats du test polygraphique avait nui au caractère volontaire de la confession.
La Cour a déterminé que non. Tout comme on a déterminé, en première instance et en appel, que l'accusé Branconnier avait fait des aveux de façon volontaire, malgré la ruse.
Dans Oickle, feu le juge Antonio Lamer avait souligné que « les tribunaux doivent se garder de ne pas limiter indûment le pouvoir discrétionnaire des policiers ».
JB
il y a 7 ansLui n'aurait pas hésiter à mentir pour se sortir d'affaires...