L’ex-avocate qui peint les grands procès
Didier Bert
2021-12-10 15:00:00
De Adam et Ève jusqu’à Cécilia le chimpanzé, en passant par Jésus de Nazareth, le procès de Nuremberg, celui de Nelson Mandela, Francesca Trop replonge dans l’ambiance des grands procès qui ont fait et transformé la justice pour en faire ce qu’elle est aujourd’hui.
En 2018, Francesca Trop avait publié un premier livre, Esprits juridiques: mythes et symboles du monde juridique.
« J’avais fait des recherches, qui m'avaient fait réaliser la proximité entre le monde juridique et la religion, explique-t-elle. Quand les religions ont cessé de produire des mythes, les cours de justice ont pris le relais. »
C’est ainsi que lui vient l’idée de ce deuxième livre.
« Le procès donne une vision instantanée de problèmes très complexes, relève-t-elle. En une histoire, on résume une crise sociale, comme le procès de Galilée, celui de Jésus Christ, celui de Mandela. Ce sont des moments dans l’histoire où on remet en question ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. »
De cette réflexion est né ce livre, où l’auteure restitue l’ambiance de 24 procès mythiques et historiques, en accompagnant chaque tableau d’un commentaire explicatif et de croquis.
« C’est une vision anthropologique du droit, qui vise à montrer que la société avec une vision plus large de ce qui est un droit humain, et de qui doit avoir des droits. »
Du droit à la peinture
Francesca Trop pratiquait en droit du spectacle… jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’elle rêvait d’être assise de l’autre côté de la table.
« Je voulais devenir peintre depuis toute petite, raconte Francesca Trop. Ce n’était pas un rêve raisonnable alors j’ai étudié le droit. » Devenue avocate, elle s’essaie au droit de la famille, au droit maritime, au droit municipal et au litige. « Je me suis aperçue que l’important c’est la clientèle, or je voulais travailler avec des artistes. »
L’avocate se tourne alors vers le droit du spectacle, qu’elle pratique durant quinze ans, à Paris, pour Canal Plus, puis à Montréal pour l’Office national du film (ONF).
Mais même en pratiquant auprès des artistes, Francesca Trop n’est pas satisfaite. « Plus le temps passait, plus je me disais que c’est moi qui devrait présenter des projets à un avocat. Je n’étais pas du bon côté de la table. Je me sentais comme une peintre qui pratique le droit. »
Depuis son enfance, Francesca Trop n’avait jamais cessé de peindre… à côté de son activité professionnelle. « Je suivais des ateliers durant mes moments de temps libre, mais je n’étais jamais allée au fond de ce que j’avais à dire comme artiste. »
Le grand saut vers le bon côté
À l’approche de ses 40 ans, Francesca Trop cesse de pratiquer le droit. Elle s’installe dans un studio et commence à peindre « en commençant par ce que j’avais à dire ».
Ce que la peintre a à dire, elle le découvre au fur et à mesure de ses créations.
« Je suis une peintre qui raconte des histoires. J’ai besoin d’une narration. J’aime utiliser les symboles pour raconter une histoire dans laquelle les gens se reconnaissent: les mythes qui nous habitent, la liberté, les rêves… »
Son approche la mène à s’inspirer d’histoires… c’est ce qui l’a conduit à peindre les grands procès, « parce que ce sont des histoires porteuses de sens ». L’ex-avocate ne renie surtout pas son passé de juriste.
« Mon passage en droit m’a apporté une richesse de réflexion et de vocabulaire, qui rendent ma peinture, à mes yeux, beaucoup plus intéressante. Sans ce parcours, je ne sais pas très bien ce que j’aurais à raconter. »
Les œuvres de Francesca Trop sont multiformes, mais souvent liées au droit. Du 8 au 12 décembre, à la galerie ERGA à Montréal, elle expose ses œuvres de découpage et collage d’écrits juridiques pour montrer qu’ « il y a une démarche artistique dans la construction d’un document juridique: on ajoute, on enlève, on rature… Le document juridique a un côté poétique. »
En se retournant sur son parcours, Francesca Trop s’aperçoit que sa vie de peintre n’est pas celle qu’elle s’imaginait au moment d’arrêter le droit.
« Je pensais que je serais beaucoup plus préoccupée par la mode, que j’aurais envie de faire des tableaux qui plairaient aux grandes galeries et aux grands collectionneurs. Mais pas du tout. J’ai seulement l’envie de peindre ce que j’ai envie de peindre. »
Ce constat se renforce d’une évidence. « Aujourd’hui, je suis du bon côté de la table. Ah mon Dieu… Je vis en conformité avec mon identité professionnelle et personnelle. Elles sont parfaitement alignées maintenant! »
Pour consulter le site de Francesca Trop, cliquez ici.
Pigeon dissident
il y a 3 ansWow , un bel article sur une artiste peintre bourrée de talents.
Merci de nous avoir fait connaître cette personne hors du commun.