Martine et les enfants

Emeline Magnier
2013-12-10 15:00:00
Petite-fille de Charles Coderre - premier avocat à exercer sa profession au sein des services sociaux à Montréal -, et fille d'un pédiatre impliqué dans des cliniques luttant contre la maltraitance, sa vocation était presque prédestinée.
«Chez nous, on ne parlait pas de politique, on parlait des enfants», se souvient la bâtonnière de Laval.
Après un baccalauréat en criminologie à l'Université de Montréal (orienté en intervention juvénile bien sûr), elle décide de se lancer dans les études de droit à l'Université McGill, «de l'autre côté de la montagne, pour changer d'air».
Elle remporte alors le prix Charles Coderre - décerné en hommage à son grand-père - et décroche un stage au contentieux du Centre jeunesse pour valider sa formation professionnelle du Barreau, où elle fera ses premières armes d'avocate.
Lorsqu’un poste s'ouvre au bureau d'aide juridique de Laval en 1990, elle tente sa chance. Elle y exerce toujours aujourd'hui, en droit de la jeunesse et des jeunes contrevenants.
Support et théorie

Après avoir reçu les procédures du directeur de la protection de la jeunesse, il lui appartient d'en vulgariser le contenu à ses clients, qui sont en mesure de lui donner un mandat conventionnel pour défendre par la suite leur position devant le tribunal.
En droit criminel, elle suit les jeunes contrevenants jusqu'au procès sur sentence. «Ça implique une mise à jour religieuse en termes de jurisprudence et d'amendements, c'est très exigeant», explique l'avocate.
Si elle a choisi l'aide juridique, c'est parce que c'est selon elle le seul endroit où elle peut pratiquer le droit de la jeunesse de façon aussi massive.
Elle s'estime vraiment privilégiée - presque gênée, dit-elle - par apport à ses confrères de pratique privée qui, comme elle, ont développé une réelle passion pour ce secteur de pratique. «Très peu d'avocats peuvent avoir cette pratique au privé. Je n'ai pas à faire de publicité ni de problème de recouvrement, je l'ai plus facile.»
Quotidiennement à la Cour, Me Nolin est une avocate plaideuse. Si elle se décrit comme une ancienne étudiante timide et réservée, elle s’est pourtant découvert un grand intérêt pour le prétoire. «J'ai une réelle passion pour la plaidoirie, que je n'aurais jamais pensé avoir.»
Omniprésents au palais de Justice, les avocats de l'aide juridique y disposent même d'un local, et elle raconte qu'il lui est arrivé de se faire interpeller de façon étonnante par des justiciables. «Ils nous demandent parfois si nous sommes l'être juridique», dit-elle en riant.
Prêteuse de mots

En tant que représentante, elle est liée par le mandat que lui a confié son client, même si d'après elle il ne rencontre pas l'intérêt de l'enfant. S'il lui est arrivé d'obtenir gain de cause dans des cas qu'elle aurait préféré perdre, c'est l'exception. «Si tout le monde fait son travail, ça n'arrive pas», explique-t-elle.
Au total, elle traite 400 dossiers par année, deux ou trois lui font couler les larmes et quelques-uns la laissent bouleversée une fois rentrée à la maison.
Pour pouvoir garder la distance appropriée et être en mesure d'effectuer correctement son travail, elle se consacre beaucoup à sa fille et s'implique dans des activités éloignées de son domaine de pratique. Mais son implication et sa sensibilité ne la quittent jamais. «Je ne peux pas regarder un film qui traite d'intimidation ou de violence envers les enfants», confesse Me Nolin.
Une bâtonnière rassembleuse
Le 25 avril dernier, elle a prêté serment à titre de bâtonnière du Barreau de Laval, une charge supplémentaire qu'elle décrit comme enrichissante mais exigeante en terme de temps, d'autant plus avec la pratique à volume de l'aide juridique.
«J'ai appris beaucoup sur mon ordre professionnel, qui m'était presque inconnu, alors que je travaille au sein d'une structure où les avocats sont déjà beaucoup soutenus.»
Cette fonction lui plaît, même si les phases aiguës et l'impression de perdre le contrôle viennent parfois compliquer les choses. «Je me suis découvert une capacité à rallier les membres que je ne pensais pas avoir.»
Difficile de garder la flamme avec une vie professionnelle si chargée dans un domaine de pratique où la misère de la société est souvent sur-représentée… Son secret? Éviter l'usure et se satisfaire de petites victoires.
«On a l'un des meilleurs systèmes judiciaires à l'enfance qui soit. Même s'il n'est pas parfait, et qu'il y a toujours place à l'amélioration, c'est une fierté d'y participer», conclut-elle.