Pourquoi voit-on moins de demandes d’actions collectives au Québec ?
Marie-Ève Buisson
2023-05-10 14:15:00
« Selon les données du Registre des actions collectives, le nombre annuel d’actions collectives varie entre 50 et 100 depuis 2009. Avec ces statistiques, nous pouvons conclure que le nombre d’actions collectives déposées au Québec est constant, malgré une diminution importante en 2022 », mentionnent les avocats dans un courriel.
Voici les statistiques des demandes d’actions collectives depuis les cinq dernières années.
2018 : 86 demandes d’autorisation
2019 : 90 demandes d’autorisation
2020 : 99 demandes d’autorisation
2021 : 74 demandes d’autorisation
2022 : 49 demandes d’autorisation
2023 – à aujourd’hui : 21 demandes d’autorisation
Manque de main-d’oeuvre
Dans une entrevue accordée à Law360, Me Éric Préfontaine, avocat chez Osler, Hoskin & Harcourt, mentionne que le système judiciaire québécois est soumis à de fortes pressions qui causent un sous-financement et une grave pénurie de personnel judiciaire.
Il suppose donc que les juges des requêtes adoptent une position plus stricte quant à la viabilité des recours collectifs puisqu’ils tiendraient en compte l’impact qu’ils auraient sur un système judiciaire surchargé.
« Ce qui se passe, c'est que les juges de première instance ont une compréhension plus concrète du fait qu'il y a déjà trop de recours collectifs en cours au Québec, que ce soit au stade de l'autorisation ou au niveau du procès », explique-t-il.
Toutefois, selon Me Préfontaine, le processus d'autorisation de recours est destiné à exclure uniquement les causes qui n'ont aucune chance raisonnable de succès. « À moins que le juge de première instance ne soit convaincu que la cause n'a aucune chance de succès, elle doit être autorisée à procéder sur le fond », dit-il.
Selon Bruce Johnston, avocat chez Trudel Johnston & Lespérance, « il semble y avoir un certain désir au niveau de la Cour supérieure de limiter les autorisations. C'est leur rôle de filtrer les demandes qui sont clairement mal fondées. Mais à mon avis, il y a peut-être une mauvaise perception de l'utilité de l'action collective. Le gros problème est que la Cour supérieure manque de ressources », a-t-il mentionné au journal Law360.
Selon les trois avocats de BCF, normalement, « il est bien connu que le tribunal, dans sa fonction de filtrage, écarte simplement les demandes frivoles et autorise celles qui satisfont aux exigences relatives au seuil de preuve et au seuil légal prévus à l’art ».
Le Québec serait même habituellement reconnu comme une juridiction favorable aux plaignants souhaitant déposer une demande d’autorisation. « Ceci pourrait s’expliquer en grande partie par l’analyse souple, libérale et généreuse des critères d’autorisation par les tribunaux québécois, par opposition aux autres provinces canadiennes », ajoutent les avocats de BCF.
Qu’est-ce qui bouge ?
D’après les trois avocats de chez BCF, les actions collectives couvrent un éventail considérable de domaines et de sujets. Les questions de violation des dispositions de la Loi sur la protection du consommateur représenteraient plus de la moitié des actions collectives déposées annuellement.
Le secteur pharmaceutique et autres produits médicaux serait aussi très touché par les nouvelles demandes d’actions collectives.
« On voit également de plus en plus d’actions collectives en matière de confidentialité des renseignements personnels et fuites informatiques, ce qui représente certainement le créneau du futur. On constate également l’émergence d’actions collectives contre l’État et les institutions publiques », détaillent Mes Barry, Trudeau et Ryan.
Il y a aussi certains secteurs importants de l’économie qui sont moins touchés par les actions collectives. Par exemple, il y aurait très peu d’actions collectives dans les secteurs de la propriété intellectuelle, la fiscalité, l’immobilier, la construction et l’immigration.
« Le secteur des valeurs mobilières a été moins actif récemment, alors qu’aucune demande n’a été déposée au Québec en 2022, ni jusqu’à présent en 2023. Les soubresauts actuels de l’économie pourraient générer de nouveau recours dans les prochains mois. On pourrait ajouter que peu d’actions collectives sont intentées en Cour fédérale », concluent les trois avocats de BCF.