« Rien ne laisse croire que l’entente sur le tabac est vouée à l’échec »
Radio-canada Et Cbc
2024-11-06 10:30:43
Les trois compagnies canadiennes de tabac ont obtenu la protection des tribunaux contre leurs créanciers en 2019 après une défaite devant les tribunaux au Québec.
La compagnie de tabac JTI-Macdonald a été déboutée la semaine dernière devant un tribunal de Toronto parce que rien n'indique que les problèmes qui restent en suspens sont insurmontables. Le juge en chef de la Cour supérieure de l'Ontario, Geoffrey Morawetz, a remis mardi les raisons de sa décision de refuser la requête de l'entreprise de tabac de prolonger les négociations avant la tenue du vote des créanciers, le 12 décembre.
L'entente de principe de 32,5 milliards de dollars à verser aux créanciers des trois géants du tabac canadiens a été officiellement déposée sans amendements devant les tribunaux après de longues et laborieuses plaidoiries jeudi 31 octobre à Toronto.
Les avocats de JTI-Macdonald avaient néanmoins déposé une requête pour signifier que leur client n'approuvait pas le plan et qu'il ne pouvait l'accepter en raison de derniers problèmes qui ne sont toujours pas réglés.
Ils avaient demandé, en vain, que des amendements y soient apportés avant la rencontre des créanciers à la mi-décembre.
Tous les créanciers s'étaient opposés à la requête de JTI-Macdonald de reporter l'audience du 31 octobre au 28 novembre sans changer toutefois pour l'instant la date butoir du 12 décembre.
Dans ses raisons, le juge Morawetz écrit qu'il faudra de « multiples années » pour dédommager les créanciers en fonction des projections financières des trois compagnies de tabac, qui se sont mises sous la protection des tribunaux après avoir perdu un appel face à un recours collectif de 100 000 Québécois atteints de tabagisme.
Le plan de sauvetage validé
Le juge Morawetz affirme que le plan de sauvetage dans sa forme actuelle est « raisonnable et approprié ».
Il énonce d'ailleurs que sa décision du 5 octobre 2023 d'habiliter le médiateur et les observateurs à exercer des pressions sur les négociateurs avait été salutaire après 4 ans de pourparlers et de nombreux délais.
« L'article 4 de la Loi canadienne sur les arrangements avec les créanciers prévoit que le tribunal peut ordonner la tenue d'une assemblée de créanciers dans l'objectif de voter sur une entente ou un compromis », déclare-t-il.
Le magistrat explique que la Cour supérieure n'a qu'une seule condition à remplir pour forcer la tenue d'un vote, à savoir si le plan de sauvetage est voué ou non à l'échec et rien d'autre.
Les autres enjeux qui font toujours l'objet de désaccords peuvent être résolus, selon lui, à une date ultérieure, en l'occurrence lors du stade de l'approbation des tribunaux.
Des points surmontables
Le juge rappelle que les avocats de JTI-Macdonald ont eux-mêmes fait savoir que les points problématiques de l'entente n'étaient pas insurmontables.
« À ce stade-ci du processus de restructuration, je suis incapable de conclure que le plan de sauvetage est voué à l'échec », conclut-il.
Le document de 10 pages montre en revanche que trois provinces n'ont pas encore fait savoir si elles allaient ou non voter en faveur de l'entente : le Québec, Terre-Neuve-et-Labrador et l'Alberta.
L'avocat de l'Alberta avait déclaré jeudi que sa province entérinerait l'accord si les 12 autres provinces et territoires du Canada font de même.
Les avocats du Québec et de Terre-Neuve-et-Labrador étaient restés silencieux, mais cela ne signifie pas pour autant que ces deux provinces se prononceront contre l'entente lors du vote des créanciers.
Les provinces tentent de récupérer l'argent pour soigner les malades
Les provinces et territoires tentent de récupérer les sommes d'argent qu'elles ont investies durant 30 ans dans les soins aux malades du tabac.
La Société canadienne du cancer évaluait un tel montant en 2019 à plus de 500 milliards de dollars.
Les provinces et territoires ne recevraient toutefois qu'une enveloppe de 24 milliards de dollars, dont 6 milliards dès la première année, après l'approbation de l'entente par les tribunaux en 2025 à la condition que les créanciers acceptent l'accord lors de la rencontre des créanciers en décembre.
Le juge a en outre décidé que la demande de sursis des trois géants du tabac visant à proroger la protection des tribunaux jusqu'au 31 mars 2025 était inappropriée compte tenu de l'audience sur l'approbation qui suivra le vote du 12 décembre.
Il explique dans ses raisons qu'un sursis de trois mois (jusqu'au 31 janvier 2025) est amplement suffisant, parce qu'un délai plus long ne ferait que créer de l'« incertitude » et qu'il valait mieux pour le moment attendre le résultat du vote.