Un juge décrète que la loi 96 est incompatible avec le Code criminel
Radio-canada Et Cbc
2024-05-22 14:15:54
Un juge a rendu une décision afin d’invalider l’article 10 de la loi 96. Cette nouvelle règle impose la traduction immédiate en français des jugements rendus en anglais…
Un magistrat de la Cour du Québec a rendu une décision vendredi dernier afin d'invalider l'article 10 de la loi sur le français langue commune, aussi connue comme la loi 96, qui doit normalement exiger la traduction « immédiate et sans délai » de tous les jugements rendus en anglais à compter du 1ᵉʳ juin.
Dennis Galiatsatos avait déjà affiché ses couleurs au début du mois en s'accordant le droit de se prononcer sur la question dans le cadre d'un procès pour conduite avec les facultés affaiblies et négligence ayant causé la mort, alors même que les parties en cause s'y étaient opposées.
Le gouvernement Legault avait alors déposé en Cour supérieure une demande de contrôle judiciaire, dans laquelle le Procureur général du Québec (PGQ) accusait le magistrat d'avoir un parti pris dans cette affaire.
Or, cette requête a été rejetée, vendredi, le tribunal ayant statué que, malgré leurs bons arguments, les avocats du Procureur général n'avaient pas réussi à faire la démonstration qu'un éventuel jugement de la Cour du Québec dans ce dossier risquait de créer un préjudice sérieux à qui que ce soit.
La suite n'a pas tardé : le jour même, Dennis Galiatsatos a rendu une décision de 34 pages pour déclarer « inopérant » au criminel l'article 10 de la loi 96.
Un autre contrecoup de l'arrêt Jordan?
Dans son jugement, rédigé en anglais, le magistrat rappelle entre autres que le droit criminel ne relève pas des compétences du Québec, mais plutôt de celles d'Ottawa.
Il souligne en outre que l'article 10 de la loi 96 pourrait entraîner un préjudice pour les accusés ayant à bon droit réclamé un procès en anglais, puisque ceux-ci pourraient devoir attendre plus longtemps pour connaître leur sort.
C'est d'ailleurs cette inquiétude en matière de délais judiciaires qui a poussé le juge Galiatsatos à se pencher sur la constitutionnalité de la traduction obligatoire de tous les jugements rendus au Québec.
Le magistrat s'apprête à présider au procès de Christine Pryde, une conductrice accusée en lien avec la mort d'une cycliste dans l'Ouest-de-l'Île et qui a demandé d'être jugée en anglais. Or, les faits remontent à 2021 et les avocats de la défense ont demandé un arrêt des procédures en vertu de l'arrêt Jordan.
Rendue en 2016, cette décision de la Cour suprême fixe une limite de temps à tous les dossiers criminels et pénaux afin de respecter le droit des accusés à être jugés dans un délai raisonnable. Cette limite s'établit à 18 mois pour les causes instruites devant un tribunal provincial comme la Cour du Québec.
Ne faisant ni une ni deux, le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, qui est aussi l'auteur de la loi 96, a annoncé mardi à l'Assemblée nationale que le Procureur général du Québec portera la cause en appel devant la Cour supérieure.
« Il est important que les Québécois puissent entendre, comprendre et lire les jugements des tribunaux québécois. La langue de la justice au Québec, c'est le français », mentionne Simon Jolin-Barrette.
Ce n'est pas la première fois que la réforme de la Charte de la langue française du gouvernement Legault est la cible des tribunaux. La loi est malmenée depuis son adoption, en mai 2022.
Les commissions scolaires anglophones ont notamment obtenu le mois dernier un sursis qui leur permettra de se soustraire temporairement à certaines obligations en matière de communications.