Un moyen de défense qui répugne le juge
Didier Bert
2023-10-17 15:00:00
C’est le moins qu’on puisse en dire…
Les Frères Maristes font face à une action collective lancée par un demandeur anonyme, connu sous la seule initiale de B. Celui-ci allègue avoir été agressé sexuellement dans son enfance par le Frère Mariste Athanase Fortin à plusieurs endroits, notamment dans le bureau de ce dernier à l’école secondaire de Baie-Saint-Paul.
Représenté par Me Pierre Boivin, Me Robert Kugler et Me Jérémie Longpré du cabinet Kugler Kandestin, B a été désigné représentant du groupe constitué de « toutes les personnes qui ont été agressées sexuellement par un religieux membre de la congrégation religieuse connue sous le nom des Frères Maristes à tout endroit au Québec, incluant de manière non limitative toute institution, établissement de formation, école, collège, établissement de loisir, centre d’animation, camp, résidence, lieu de culte. »
Le 31 mai dernier, la Cour supérieure du Québec a autorisé cette action collective qui vise à condamner les Frères Maristes à payer la somme de 450 000 $ aux victimes à titre de dommages non pécuniaires en plus de payer la somme de 500 000 $ à titre de dommages pécuniaires. L’action collective réclame aussi une somme globale de 20 000 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs et exemplaires, à verser aux demandeurs.
Le 28 septembre, le juge Sylvain Lussier a rendu une ordonnance de gestion, en raison d’un différend qui reste à trancher dans le protocole d’instance. Parmi les points à régler, les défenderesses ont demandé le dépôt d’un rapport d’expert « sur l’évolution des mœurs sociales en rapport avec l’acceptabilité sociale aux contacts physiques et, les us et coutumes quant au traitement des dévoilements d’agressions sexuelles par les autorités ».
« Éclairer le contexte social de l’époque »
Les défenderesses justifient ainsi cette demande: « Quant à notre demande pour produire une expertise sur les us et coutumes de l’époque, elle servira à éclairer le tribunal sur le contexte social dans lequel s’inscrivaient les parties. Nous sommes d’avis que pour bien cerner la gravité de la faute des défenderesses, si faute il y a, le tribunal devra prendre en compte les mœurs, les connaissances et les façons de faire de l’époque ».
Cette expertise n’aura pas pour but de déterminer si les défenderesses ont commis des fautes ou non, cela relevant de la prérogative du tribunal. Elle pourra toutefois aider le tribunal à « tenir compte de toutes les circonstances appropriées » (1621 C.c.Q.), le cas échéant, notamment en lien avec les critères devant être pris en considération pour l’octroi de dommages-intérêts punitifs ».
Le juge Sylvain Lussier répond à cette demande en mentionnant que « les gestes reprochés aux Frères Maristes, des agressions sexuelles sur des mineurs, sont des actes criminels, et l’étaient à l’époque où ils sont allégués avoir été posés. »
Et il ajoute que « la tolérance manifestée à leur égard par les autorités religieuses n’en fait pas des gestes socialement acceptés ou acceptables ». Le Tribunal en veut pour preuve leur caractère occulte et les menaces faites aux enfants quant à leur éventuel dévoilement et l’incrédulité des parents à qui ils étaient dénoncés. Le contrôle exercé par les membres de l’Église catholique servait de paravent à des activités qui ne sont devenues connues que beaucoup plus récemment.
Le juge Sylvain Lussier rappelle ensuite que le législateur québécois a rendu imprescriptibles « de tels gestes ».
Le juge de la Cour supérieure refuse donc la demande d’expertise, en soulignant que « le contexte social et les coutumes d’une époque ne sauraient en rien atténuer la responsabilité des agresseurs et de leurs commettants, ni justifier les agressions sexuelles commises ou la façon dont des dénonciations ont été traitées ».
Le juge Sylvain Lussier conclut sa décision sans ménagement: « il répugne que la méconnaissance de faits clairement interdits par le Code criminel, et constituant très certainement des péchés capitaux selon la doctrine de l’Église, puisse excuser la conduite de ceux qui les perpétraient ».
« L’imagination » des ordres religieux
Me Pierre Boivin, un des trois avocats du demandeur de l’action collective contre les Frères Maristes, se dit surpris d’avoir vu arriver la demande de rapport d’expertise sur l’acceptabilité sociale des contacts physiques dans une affaire d’agressions sexuelles.
« C’est la première fois qu’on a une telle demande émanant de défenderesses qui sont des ordres religieux, alors que l'action collective ne vise que des agressions sexuelles », explique l’avocat.
« J'ai déjà vu ça dans des dossiers où on reprochait des agressions physiques et psychologiques, parce que le Code civil autorisait les châtiments corporels à une certaine époque. Mais je n'avais jamais vu ça pour des agressions sexuelles », précise Me Pierre Boivin.
« C’est un nouveau moyen de défense », commente l’avocat de Kugler Kandestin, qui considère que l’utilisation du verbe répugner par le juge est « forte et tout à fait justifiée ».
Ce moyen de défense inédit fait partie d’une tendance de fond, selon l’avocat. « Les ordres religieux ont énormément d'imagination pour développer de nouveaux moyens de défense. Récemment, on a vu des ordres religieux poursuivre en garantie des entités pour qu’elles soient tenues responsables, conjointement ou solidairement avec eux, comme des commissions scolaires, des écoles privées, ou encore le Procureur général du Québec. Dans certaines procédures, on voit jusqu'à 150 défenderesses appelées en garantie par les ordres religieux. »
Les avocats des Frères Maristes, Me Éric Bouchard et Me Élise Paiement du cabinet Bouchard, ont répondu à Droit-inc : « en tant qu'avocats, nous nous abstenons de commenter les affaires qui sont devant les tribunaux ».
A
il y a un anLe Juge a tort.
Discipliner ses enfants à coups de ceinture ce sont des voies de fait depuis que le Code criminel existe. Or, l'acceptabilité sociale a évolué
Anonyme
il y a un anDiscipliner ses enfants à coups de ceinture n'est devenue une voie de fait qu'en raison de la conception que des juges se sont fait de l'acceptablité sociale. Lorsque c'est arrivé, c'était d'ailleur encore très accepté socialement, mais les juges gauchistes de la Cour-Suprême se sont montrés "avant-gardiste", comme on dit.
Historiquement cette forme de discipline était autant ancrée dans la tradition britanique que dans la tradition française, raison pour laquelle pendant la plus grande partie de l'histoire du Canada les pères de famille ont donné "la strap" de père en fils, pendant des générations.
Ceci dit, on voit mal ce que vient faire ici votre remarque déconnectée, car dans l'article il est plutôt question d'aggression sexuelle, et non pas de coups de ceinture.
A
il y a un anMon point est le suivant:
On parle de deux crimes distincts: voies de fait et agression sexuelle.
Le Juge a tort en disant que la seule criminalisation de l'agression sexuelle compte et que l'acceptabilité à travers les époques ne doit pas être prise en compte.
La preuve:
ça existe pour l'autre crime.
JJ
il y a un anMais pas une agression sexuelle, qui a toujours été un crime reprouvé par la société, même du temps du Moyen-Âge où votre esprit semble s'être arrêté... Meilleur exemple, Gilles de Rais!
Maître
il y a un anCe qui me choque le plus c'est les cabinets d'avocats qui encaissent des millions de dollars dans ce genre de recours (sans aller à procès !) sur le dos des victimes ...
Anonyme
il y a un anSi c'est si facile et si payant, pourquoi n'entamez-vous pas vous-même ce genre de recours ?
Anonyme
il y a un anParce que certains ont le coeur à la bonne place contrairement à vous.
Anonyme
il y a un anEt toi tu fais quoi pour la cause des victimes? Envieux