Un témoin protégé réclame 2,6 M $ au SPVM et aux Procureurs
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Delphine Jung
2017-11-01 14:45:00

L’homme, qui vit sous une fausse identité, leur reproche d’avoir dû renoncer à sa libération conditionnelle pour 377 jours et vivre dans l’angoisse de se faire tuer. Le centre de détention fédéral où il a été détenu lui a également refusé l’accès à l’aile adaptée et sécuritaire pour les témoins repentis, le gardant plutôt au trou.
Il est défendu par l’avocat plaideur, Philippe Larochelle, du cabinet Roy Larochelle.
« Son processus de réadaptation est bloqué par l’incapacité du SPVM et du PGQ d’assurer sa protection », explique l’avocat très impliqué dans le dossier.
Retour sur les faits
Sylvain Beaudry est un ancien membre des Rock Machines qui a été arrêté en 2001 pour enlèvement et séquestration. Après avoir plaidé coupable, il a signé une entente de témoin repenti avec le Procureur général du Québec et le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) en 2003.
Il sort de prison en avril 2004.
En 2013, l’enquêteur du SPVM, Benoît Roberge, qui avait poussé M. Beaudry à devenir délateur, est lui-même accusé d’avoir vendu des informations au crime organisé. Le policier est arrêté et plaide coupable. M. Roberge a lui-même été impliqué dans le recrutement de M. Beaudry comme délateur.
C’est à ce moment-là que M. Beaudry commence à s’inquiéter pour sa sécurité. « L’arrestation de Roberge et les comportements de ses contrôleurs et des enquêteurs du SPVM à cette époque font craindre à Beaudry pour sa sécurité et doute de la sincérité et de l’efficacité des mesures mises en place par le SPVM pour assurer sa sécurité », peut-on lire dans la demande introductive d’instance déposée au Palais de justice de Montréal hier.
Depuis M. Beaudry n’aurait jamais réussi à savoir si sa nouvelle identité était compromise et si elle faisait partie des fuites dont Roberge était à l’origine.
« En effet, compte tenu qu’il avait témoigné contre plusieurs criminels notoirement dangereux, Beaudry craignait à juste titre pour sa sécurité et sa vie », peut-on encore lire dans la demande.
Ne faisant plus confiance au SPVM, estimant même que les policiers manipulent les preuves, M. Beaudry décide de faire une sortie dans les médias. « C’est une réaction désespérée, qui répond au fait que personne ne lui répond malgré ses nombreuses demandes par rapport à sa protection », ajoute son avocat très impliqué dans ce dossier..
Un gilet pare-balle pour se protéger
« Par la suite, ses contrôleurs prétendent qu’il n’a pas respecté son contrat en s’adressant aux médias. Pourtant, ils avaient dit à son agent de probation qu’il n’avait pas violé son contrat pour le même épisode. Ils se sont contredits. Il a finalement demandé lui-même d’être réincarcéré », détaille son avocat qui évoque même « un jeu de pervers. »

« On peut imaginer que ce n’est pas facile de refaire sa vie lorsqu’on est délateur et qu’on a témoigné contre ses anciens camarades. Lorsqu’il vient me voir, il porte un gilet pare-balle », ajoute Me Larochelle.
Détenu alors dans une prison provinciale, il devait être libéré cinq mois plus tard, le 1er novembre. Deux jours avant, on lui demande de signer un document par lequel il manifeste son accord de se retirer volontairement du module de protection des témoins. Il refuse.
C’est ainsi que le ministère de la Sécurité publique l’informe qu’il ne fait plus partie du programme de protection des témoins et que son entente de témoin repenti était résiliée. « On a donc pris cette décision de manière unilatérale », ajoute Me Larochelle.
Il est alors transféré dans un pénitencier fédéral et placé en isolement. Après le dépôt d’un Habeas Corpus, il obtient finalement sa libération conditionnelle le 9 juin 2015, mais « ne bénéficie d’aucune mesure de protection », dit-on dans le document.
C’est ainsi que « le mélange de laxisme, de négligence, de mauvaise foi, d’incompétence et de désinvolture qui a caractérisé les agissements du PGQ et SPVM à l’égard de M. Beaudry militent pour l’attribution de ces dommages punitifs », conclut la requête.