Loi sur Investissement Canada : Le ministre de l’Industrie bloque l’acquisition de MDA par Alliant Techsystems

Mccarthy Tétrault
2008-05-15 10:21:00
Dans un communiqué de presse, le ministre Prentice a confirmé sa décision initiale prise le mois dernier selon laquelle il n’était pas d’avis que l’acquisition proposée de la division des systèmes d’information de MDA par ATK était vraisemblablement à l’avantage net du Canada.
Il a également mentionné ce qui suit : « J’en suis venu à cette décision après avoir mené un processus d’examen exhaustif et rigoureux. Les investissements étrangers jouent un rôle important dans l’économie canadienne. Les investisseurs étrangers apportent au pays des capitaux, des connaissances, des compétences et des technologies qui peuvent accroître la productivité, l’efficacité et la compétitivité des entreprises canadiennes. Toutefois, lorsqu’une opération d’envergure ne fait pas la preuve qu’elle serait à l’avantage net du Canada, elle ne peut être approuvée en vertu de la Loi sur Investissement Canada ».
Bien que MDA soit actuellement une société canadienne, elle appartenait à une société américaine au moment où l’entente Radarsat initiale a été conclue, ce qui est plutôt ironique.
Refus ministériel sans précédent
Il s’agit de la première fois qu’un ministre refuse une opération qui ne soulève pas de questions relativement à la culture ou au patrimoine du Canada depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur Investissement Canada en 1985 (qui a remplacé une loi sur l’examen des investissements étrangers beaucoup plus protectionniste, soit la Loi sur l’examen de l’investissement étranger, connue sous le nom de LEIÉ).
Au cours des dernières années, le ministre de l’Industrie a fait preuve de plus en plus de rigueur dans l’application de la Loi sur Investissement Canada, comme l’attestent l’augmentation de la longueur des examens et l’étendue ainsi que la portée des engagements écrits que les investisseurs étrangers doivent fournir au ministre afin d’obtenir son approbation. Il était évident qu’un jour ou l’autre le ministre se verrait confronté à une opération qui, à son avis, ne constitue pas un « avantage net » pour le Canada. Il semble que l’opération de MDA, malheureusement pour ATK et les autres parties intéressées, a été la « goutte qui a fait déborder le vase », comme dit le proverbe.
À peine quelques heures après avoir confirmé son refus, le ministre Prentice a annoncé ce qui peut sembler être un prix de consolation, c’est-à-dire, que le gouvernement du Canada a prolongé de quatre ans son contrat d’entretien actuel avec MDA. Ce contrat conclu avec l’Agence spatiale canadienne, d’une valeur d’environ 109 millions de dollars, couvre le travail de robotique de pointe sur la Station spatiale internationale.
Raison du refus et sécurité nationale
L’examen de la demande en vertu de la Loi sur Investissement Canada est mené conformément à des dispositions très strictes visant à protéger la confidentialité. Par conséquent, il est impossible de savoir pour quelle raison le ministre Prentice a rejeté l’opération. Selon des informations provenant des médias, le fait que ATK souhaitait acheter les activités spatiales et d’imagerie satellitaire de MDA a provoqué tout un tollé, car on craignait de perdre le contrôle canadien sur ce qui est perçu comme l’élément clé de la technologie spatiale canadienne. Il semble que le motif principal du refus du ministre Prentice soit lié à la sécurité nationale canadienne.
La Loi sur Investissement Canada recense un certain nombre de facteurs dont il faut tenir compte afin de déterminer l’avantage net pour le Canada. Ces facteurs sont :
1. l’effet de l’investissement sur le niveau et la nature de l’activité économique au Canada, notamment sur l’emploi, la transformation des ressources, l’utilisation de pièces et d’éléments produits et de services rendus au Canada et sur les exportations canadiennes;
2. l’étendue et l’importance de la participation de Canadiens dans l’entreprise canadienne ou la nouvelle entreprise canadienne en question et dans le secteur industriel canadien dont cette entreprise ou cette nouvelle entreprise fait ou ferait partie;
3. l’effet de l’investissement sur la productivité, le rendement industriel, le progrès technologique, la création de produits nouveaux et la diversité des produits au Canada;
4. l’effet de l’investissement sur la concurrence dans un ou plusieurs secteurs industriels au Canada;
5. la compatibilité de l’investissement avec les politiques nationales en matière industrielle, économique et culturelle, compte tenu des objectifs de politique industrielle, économique et culturelle qu’ont énoncés le gouvernement ou la législature d’une province sur laquelle l’investissement aura vraisemblablement des répercussions appréciables;
6. la contribution de l’investissement à la compétitivité canadienne sur les marchés mondiaux.
Comme on peut le constater, aucun de ces facteurs ne traite des questions liées à la sécurité nationale. En fait, il y a quelques années le gouvernement du Canada a proposé des modifications à la Loi sur Investissement Canada afin d’améliorer le régime d’examen en ajoutant des dispositions relatives à la sécurité nationale (ce projet de loi n’a jamais été adopté). Des discussions sont toujours en cours afin de déterminer s’il est souhaitable d’apporter de telles modifications.
Il est généralement reconnu que le ministre dispose d’un important pouvoir discrétionnaire afin d’établir l’avantage net aux termes de la Loi sur Investissement Canada. Il serait difficile de prétendre que le ministre ne peut tenir compte des préoccupations relatives à la sécurité nationale dans le cadre d’une telle décision (comme cela semble être le cas dans cette affaire). Toutefois, les investisseurs étrangers voudront connaître la politique du ministre à l’égard des applications des questions relatives à la sécurité nationale avant de proposer une opération. Ces investisseurs et leurs conseillers voudront que ces questions soient traitées de façon plus claire, transparente et prévisible.
Le ministre a publié récemment des lignes directrices précisant sa politique à l’égard de l’évaluation de l’avantage net relativement à l’acquisition d’une entreprise canadienne par une entreprise d’État étrangère (voir http://www.ic.gc.ca/epic/site/ica-lic.nsf/fr/lk00064f.html). Tant que la Loi sur Investissement Canada n’aura pas été modifiée pour tenir compte explicitement des questions relatives à la sécurité nationale, il serait très utile pour les investisseurs que le ministre publie des lignes directrices qui traitent également de l’approche du ministre à l’égard de la sécurité nationale.
Qu’est-ce que cela signifie pour les investissements futurs?
Il n’y a aucune raison de croire que le refus de l’opération de MDA ralentira considérablement les investissements étrangers au Canada, bien que ce refus soulève certaines questions relativement aux opérations comportant le transfert de droits importants liés à la propriété intellectuelle à des non-Canadiens. Cette situation souligne également l’importance de l’identification et de la gestion précoces des questions délicates. Le gouvernement du Canada a clairement fait part de sa sensibilité accrue aux investissements comportant des entreprises d’État étrangères et, maintenant, à la sécurité nationale. Avant de présenter une opération soulevant ce type de questions au ministre aux fins d’approbation, les investisseurs et leurs conseillers juridiques devront évaluer attentivement les motifs pouvant mener le ministre à prendre une décision positive.
En bref, les investisseurs étrangers doivent s’interroger sur les incidences de la Loi sur Investissement Canada très tôt dans le processus de planification d’une opération.
Par Oliver Borgers, associé, McCarthy Tétrault, à Toronto.