Recours collectifs : Le Québec fait-il bande à part ?

Marc-André Boutin Et David Stolow
2007-08-16 14:04:00
Trois demandes d'autorisation d'un recours collectif avaient été déposées en 2002 contre Postes Canada, d'abord au Québec, ensuite en Ontario, et finalement en Colombie-Britannique.
Alors que ce règlement prévoyait spécifiquement qu'il devait être autorisé par les tribunaux de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, il ne faisait aucune mention du recours collectif intenté en premier lieu au Québec, ni de l'autorisation de ce règlement par les tribunaux québécois.
Le 22 décembre 2003, la Cour de l'Ontario approuvait le règlement à l'égard de tous les résidents canadiens, à l'exception de ceux résidant en Colombie-Britannique, compte tenu du recours collectif intenté dans cette dernière juridiction.
Malgré une demande des avocats des demandeurs québécois, le tribunal ontarien omis cependant de prévoir une exception similaire pour le recours collectif québécois. Le tribunal de la Colombie-Britannique approuvait le règlement le 7 avril 2004.
Le 20 juillet 2005, la Cour supérieure du Québec refusait la demande de Postes Canada de donner effet au règlement intervenu dans le reste du Canada. Le 10 août 2007, la Cour d'appel du Québec confirmait ce jugement.
En outre, la Cour d'appel ne semble guère avoir apprécié que la Cour de l'Ontario est approuvé un règlement national de ce recours collectif sans égard au fait qu'un recours au même effet était pendant devant les tribunaux du Québec et alors même que la Cour ontarienne prévoyait une exception au règlement pour les résidents de la Colombie-Britannique.
La Cour d'appel n'a pas mâché ses mots et s'est dite "perplexe" fasse au fait que le tribunal Ontario est "fait preuve, à l'égard de la Colombie-Britannique, dernière saisie, d'une courtoisie qu'il refuse sans s'expliquer aux autorités québécoises".
Selon la Cour d'appel, le juge ontarien aurait dû décliner compétence à l'égard des résidents québécois. De plus, les avis publiés relativement au règlement étaient, selon la Cour d'appel, inadéquats et semaient la confusion puisqu'aucune mention du sort des membres du recours collectif intenté au Québec ne s'y trouvait.
Il s'agissait là, selon la Cour d'appel, d'une violation des principes essentiels de la procédure justifiant le refus de reconnaître le règlement.
Ceci dit, la Cour d'appel a bien indiqué que son jugement ne signifiait pas qu'un recours collectif d'envergure nationale ou même internationale n'est pas possible, au contraire. «Il faut en effet éviter que les questions de juridictions provinciales favorisent la multiplication inutile de recours collectifs» selon la Cour. Cependant, «[c]haque cas sera un cas d'espèce».
D'un point de vue pratique, ce jugement de la Cour d'appel sert de mise en garde pour les parties qui désirent régler un recours collectif d'envergure national lorsque des procédures sont en cours au Québec et ailleurs. L'exclusion des avocats des demandeurs québécois des discussions de règlement pourra faire échec à son approbation au Québec.
En l'occurrence, alors que le recours collectif est réglé dans le reste du Canada, il suivra donc son cours au Québec. Il ne serait pas surprenant que Postes Canada tente de porter cette affaire en appel devant la Cour suprême du Canada. Elle a soixante jours pour ce faire.
Marc-André Boutin et David Stolow sont associés au bureau montréalais de Davies Ward Phillips & Vineberg.