Remue-ménage au Barreau
Emeline Magnier
2014-11-11 15:00:00
La redéfinition de la gouvernance du Barreau était à l'étude depuis plusieurs années. En 2013, dans le contexte du 40ème anniversaire de l'Office des professions, les travaux se sont intensifiés avec la mise en place d'un chantier de réforme. Le tout a abouti en juin dernier avec l'adoption par le Conseil général de la réglementation ensuite à Stéphanie Vallée.
« C'est un changement historique dans la vie du Barreau. Ça fait 25 ans que la réforme était discutée au travers de mémoires et d'études. Je suis très fier du travail accompli par les membres du Conseil général, c'est l'aboutissement de centaines d'heures de travail », indique l’associé de Fasken Martineau.
Un conseil d’administration aminci
La réforme s'attaque d'abord à la composition du conseil général (CG) du Barreau qui sera remplacé par le Conseil d'administration (CA). Actuellement composée de 37 élus et 35 observateurs, la nouvelle instance décisionnelle du Barreau comptera 16 membres : 12 élus - le bâtonnier, quatre administrateurs du Barreau de Montréal, trois administrateurs du Barreau de Québec, et quatre administrateurs des autres sections du Barreau - et quatre membres du public désignés par l'Office des professions.
« Avant, 80 personnes assistaient aux réunions du CG. C'était trop lourd, et de facto, c'était le comité exécutif qui jouait le rôle du CA ce qui n'est pas souhaitable », souligne le bâtonnier. Tenues au moins quatre fois par année, chaque réunion du CG représentait une dépense d'environ 95 000 dollars.
Nouvelle créature
Toutes les sections ne seront donc plus représentées au conseil d'administration, mais les 15 bâtonniers, accompagnés d'un représentant de chacune des sections, siégeront au Conseil des sections, une « nouvelle créature » du Barreau qui ne disposera que d'un pouvoir de recommandation auprès du CA.
Autour de la table de cette nouvelle entité qui se réunira deux fois par année, trois sièges seront réservés à des avocats de moins de dix ans de pratique issus des barreaux de Montréal, de Québec et d'une autre section.
Mandats plus longs
Autre modification importante, la durée des mandats : le bâtonnier et les autres administrateurs seront élus pour deux ans. Les administrateurs ne seront pas tous élus en même temps, un tiers des membres du conseil changera chaque année.
« Il y aura une meilleure cohérence. En une année, c'est difficile de mener des projets à terme, de remettre les compteurs à zéro et de repartir avec une nouvelle équipe », commente Me Synnott.
Le système des élections au bâtonnat se trouve indirectement bouleversé par le projet de nouvelle gouvernance. Auparavant, les membres du Barreau élisaient un vice-président qui, un an plus tard, était confirmé bâtonnier à la suite d'une nouvelle élection au cours de laquelle il était le seul candidat : en vertu d'une règle non écrite traditionnelle, personne ne se présentait contre le vice-président sortant.
Double vice-présidence
Avec la réforme, le bâtonnier sera toujours élu au suffrage universel des membres du Barreau, mais c'est le CA qui élira deux vice-présidents. La règle selon laquelle le vice-président est le futur bâtonnier ne pourra plus s'appliquer. Me Lu Chan Khuong, la vice-présidente actuelle, devra aller en élection.
Même si le projet de loi est adopté, l'avocate de Québec indique que cela ne changera rien à « son scénario ». Elle a d'ailleurs déjà déposé sa candidature et son site Internet de campagne, www.votrebarreau.ca, a été mis en ligne aujourd'hui. « Je vais en élection pas parce que je suis vice-présidente, mais parce que je suis préparée et que j'ai quelque chose à offrir » , indique-t-elle.
Croyant être la meilleure personne pour occuper le poste, elle ne craint pas la concurrence. « On ne se retourne pas sur un 25 sous pour être candidat au bâtonnat, c'est un poste à temps plein. »
Vote électronique
Une modification du Code des professions est proposée afin de permettre l'élection du bâtonnier et des autres administrateurs au moyen du vote électronique. Une firme comptable sera mandatée pour surveiller et certifier les votes.
Grâce à cette nouvelle modalité, Me Synnott espère que le taux de participation des membres sera plus élevé. « Nous sommes l'un des ordres les plus influents, dont l'opinion est très souvent recherchée pour différents projets de loi. Il est important que les avocats exercent leur droit de vote. »
L'impact financier des changements prévus par la nouvelle gouvernance n'est pas encore chiffré. Le comité nommé à cet effet poursuit ses travaux et doit déposer son rapport pour le 31 mars 2015.
Selon Me Synnott, le projet de loi devrait être adoptée rapidement après sa lecture par l'assemblée nationale et sera donc effectif pour les prochaines élections. « Je ne présage pas du vote des députés, mais selon toute vraisemblance, ce sera pour les prochains jours ou prochaines semaines », conclut-il.
La nouvelle gouvernance est en marche !